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exécuter des travaux se réserve toutes les garanties en même temps qu’il demande à la concurrence les meilleures conditions de prix. Il semble difficile que l’état puisse avoir intérêt à se conduire différemment. Les sociétés ouvrières, en vue desquelles il renoncerait à ces garanties, sont en petit nombre, et pour la plupart bien fragiles (c’est ce que l’enquête a démontré). Suffirait-il, pour les faire vivre et multiplier, de modifier quelques articles du cahier des charges, au risque de compromettre la bonne exécution et l’achèvement des travaux ? De même pour la clause relative à la participation aux bénéfices. C’est un système, ou plutôt une expérience. Convient-il que l’état se déclare l’apôtre d’un système et que, par ses mains, les contribuables paient les frais d’une expérience ? Cela n’est guère soutenable. Quoi qu’il en soit, examinons en quoi consiste la « participation aux bénéfices, » qui, à la suite de l’association coopérative, a comparu devant la commission d’enquête.

La participation aux bénéfices n’est point chose nouvelle. Depuis bien longtemps, dans les établissemens de banque et dans les maisons de commerce, les commis et les employés reçoivent, indépendamment de leur traitement fixe, une rémunération qui, sous le nom de part d’intérêt ou de gratification, varie chaque année selon les résultats de l’inventaire. On peut lire également, dans les statuts d’un certain nombre de sociétés industrielles ou commerciales, une clause autorisant le prélèvement d’une part déterminée des bénéfices au profit du personnel. Enfin, l’état lui-même alloue à diverses catégories de fonctionnaires des remises calculées d’après les recettes qu’ils encaissent ou d’après les économies ou bonis qu’ils réalisent. Tantôt, l’allocation supplémentaire ne représente, en fait, qu’une augmentation peu importante du traitement fixe ; tantôt elle représente la plus forte part de la rémunération totale. Cela dépend du genre d’industrie, de la nature des services, de conditions particulières qui se diversifient à l’infini. Sous ces différentes formes, la participation aux bénéfices, et même, dans certains cas, le prélèvement sur les produits bruts est tout à fait équitable : chacun des agens ou commis est intéressé au succès et au développement de l’entreprise. Le partage est facile, s’opérant annuellement entre parties prenantes, qui sont ordinairement peu nombreuses et qui sont des employés réguliers et permanens.

Ce point établi, il s’agit d’appliquer le système à la rémunération de la main-d’œuvre, dans les ateliers et dans les usines. Si les ouvriers, dépourvus de capital, ne sont pas en mesure de former des associations, ne pourrait-on point les associer d’une façon directe aux bénéfices du capital possédé et administré par les patrons ? Leur part de bénéfice, soit qu’on la distribue immédiatement, soit qu’on la mette en réserve, ne les ferait-elle pas capitalistes à leur tour et