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instrument puissant tout organisé pour le transport en commun. La concession du privilège a fortifié cet instrument au moyen duquel l’administration municipale a pu facilement pourvoir aux besoins de transport créés par l’annexion des communes suburbaines en 1860, faire concourir le service des omnibus au peuplement des quartiers extrêmes, augmenter le nombre des lignes, constituer les tramways intérieurs et répartir les services entre les divers quartiers de la ville, tout en percevant, au profit de la caisse municipale, des droits de stationnement qui, de 541,000 francs en 1855, se sont élevés, en 1883, pour la compagnie des omnibus, à 1,615,000 francs, sans compter le produit des taxes d’octroi et autres, qui portent à plus de 2 millions 1/2 le chiffre des redevances payées à la ville par cette seule compagnie. La population parisienne est donc très intéressée à ce que ce système soit conservé, surtout en vue de l’augmentation continue des besoins de transport, et le conseil municipal lui causerait un grave dommage si, par une gestion abusive ou imprudente, il venait à détruire le principal instrument des transports à bas prix.

Le régime de la concession privilégiée ne s’applique pas seulement aux omnibus. Il a été pareillement adopte, à Paris, pour le service des eaux et pour l’éclairage au gaz. Les traités de concessions datent de 1855 pour le gaz et de 1860 pour les eaux. Ces privilèges ont été constitués dans la même période, alors que l’état organisait les grandes compagnies de chemins de fer. Faut-il voir dans la simultanéité de ces actes la marque du système impérial, qui, dans l’ordre économique comme dans l’ordre politique, aurait été favorable aux monopoles et contraire à la liberté ? Cette appréciation ne serait point exacte. Le gouvernement de l’empire a supprimé plus de monopoles industriels qu’il n’en a établi ; il a notamment aboli la prohibition douanière, c’est-à-dire le plus puissant des monopoles. Il ne faut donc pas alléguer que les concessions décrétées de 1855 à 1860 pour les omnibus, pour l’eau et pour le gaz, aient procédé d’un parti-pris économique, ni qu’elles expriment la pensée du règne. Il s’agissait tout simplement de rechercher et d’appliquer le mode le plus convenable pour subvenir aux besoins d’une grande capitale, qui, dans cette période d’extension et de transformation presque complète, se prêtait à des aménagemens nouveaux. A la division des services, à l’éparpilleraient des capitaux et des forces, on jugea opportun de substituer l’unité de direction, la concentration des ressources, la fusion des entreprises privées, de manière à former des compagnies puissantes dont le crédit, fondé sur une concession privilégiée, serait en mesure de pourvoir à l’augmentation prévue des dépenses d’établissement et