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UN COMMENTAIRE PITTORESQUE
DE
LA DIVINE COMEDIE

La Divine Comédie, cent dix compositions posthumes par Stürler. Paris, 1883 ; Firmin-Didot.

Tous ceux qui ont tenté de traduire fidèlement une œuvre de quelque importance connaissent les difficultés presque insurmontables de ce travail ingrat. Les mots ne valent pas seulement par eux-mêmes ; ils empruntent au milieu, à la race, aux habitudes, au tempérament de l’auteur mille nuances délicates qui disparaissent presque forcément dans le passage d’un esprit, d’une langue à l’autre. Ce n’est pas tout ; quelle que soit l’abnégation voulue du traducteur, il ne peut faire complètement le sacrifice de sa propre pensée à celle qu’il interprète. Il sent telle phrase trop longue ou trop courte, telle épithète vague ou inexacte, telle idée incomplète ou insuffisante ; il lui est presque impossible de résister à la tentation d’intervenir, de mettre un peu de soi dans son travail.

S’il s’agit de traduire une œuvre de poésie, c’est bien autre chose encore. Comme tous les beaux-arts, la poésie parle à l’imagination, à l’âme par l’intermédiaire obligé de la sensation. C’est une sorte de musique dont le charme réside, pour la plus grande part, dans la combinaison des timbres et des rythmes. Un mot changé de place dans un vers, une ponctuation défectueuse suffit à changer « en un plomb