Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTERAIRE

FENELON A CAMBRAI

Fénelon à Cambrai, d’après sa Correspondance (1699-1715), par M. Emmanuel de Broglie. Paris, 1884 ; Plon.

S’il n’y a pas beaucoup de noms plus fameux, dans toute l’histoire des lettres françaises, et en quelque sorte plus européens, que celui de Fénelon, il y a pourtant peu de personnages qui soient au fond plus mal connus, et surtout il n’y en a guère que l’on juge plus diversement. A quoi cela tient-il ? autour d’un illustre prélat, dont la vie fut si peu cachée, pourquoi tant d’incertitude ? et comment se fait-il qu’après deux siècles tantôt passés, le caractère vrai d’un si grand homme nous demeure toujours une espèce d’énigme ? On en peut aisément donner une première et valable raison : c’est qu’on ne lit point assez Fénelon, si tant est seulement qu’on le lise. Nous avons tous lu Télémaque, et tous, ou presque tous, le Traité de l’existence et des attributs de Dieu ; joignons-y même, si l’on veut, la Lettre sur les occupations de l’Académie française, et peut-être un ou deux sermons ; mais, — en dehors de quelques âmes pieuses, qui n’y cherchent au surplus que des leçons de conduite et des motifs d’édification, — combien de nous ont lu ses Lettres spirituelles ? combien la collection de ses écrits sur le quiétisme et combien celle de ses écrits contre le jansénisme ? ou combien même ses Mémoires politiques et sa