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d’autres puissances, et c’est ce qui fait qu’il y a certainement, à l’heure qu’il est, quelque chose de fâcheux dans cette recrudescence d’antagonisme qui se manifeste depuis quelque temps entre l’Angleterre et la France. On dirait, en vérité, que pour certains journaux français, le dernier mot du patriotisme est l’antipathie contre tout ce qui est anglais. À leur tour, les journaux anglais semblent se plaire à exciter les passions et les ombrages de leur nation contre la France. Tout ce que la France peut tenter pour la défense de sa dignité et de ses intérêts sur un point du globe leur semble une menace : ils se répandent en récriminations violentes, et, après avoir approuvé le bombardement d’Alexandrie, ils n’ont pas assez de lamentations sur les rigueurs du bombardement de Fou-Tcheou. Ce que notre gouvernement a de mieux à faire, c’est de décourager ces animosités de polémiques par la netteté et la prudence de sa politique, par le soin jaloux qu’il mettra à limiter une lutte déjà assez compliquée et assez difficile.

Voilà donc où en sont les choses au moment où les chambres viennent de se séparer, où s’est terminée une session qui, d’un autre côté, dans l’ordre des affaires intérieures de la France, n’aura été assurément ni bien brillante ni bien fructueuse. Qu’a-t-elle produit, en effet, cette session de plus de six mois ? Elle a fini, il est vrai, par ce coup d’éclat, par cette révision dont personne ne parle plus ; elle a épuisé son dernier feu dans cette œuvre après avoir été, pour tout le reste, à peu près stérile, et s’être perdue dans les discussions oiseuses, les brigues de partis ou les élucubrations chimériques. Sur deux points, particulièrement, l’activité législative aurait pu s’exercer avec autant de profit pour le pays que d’honneur pour le parlement lui-même. Depuis longtemps, la question militaire ne cesse d’être agitée ; les propositions de toute sorte se sont succédé avec la prétention de réformer l’armée dans ses institutions comme dans son esprit. Qu’a-t-on fait pour mettre enfin un terme à cette périlleuse crise d’incertitude ou pour réaliser ces prétendues réformes ? Une loi a été préparée, et cette loi, telle qu’elle est sortie d’une commission de sectaires, n’était rien moins que la désorganisation de notre puissance militaire, en même temps que le bouleversement de l’éducation libérale du pays. Elle a été longuement discutée, même votée en partie, puis abandonnée ; on n’a rien fait, en définitive, et, ce qu’il y a de mieux encore, c’est qu’on se soit arrêté, qu’on ait reculé devant une œuvre qui, sous prétexte de progrès démocratique, ébranlait tous les ressorts de la grandeur française. Il y avait une autre question qui n’était pas moins sérieuse, moins pressante : c’était la question des finances, et ici encore qu’a produit cette session qui finit ? Il y a, il est vrai, une commission du budget qui est nommée depuis cinq mois, qui est censée méditer sur la situation financière ; en réalité, cette commission en