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tenait, au moyen de détachemens tirés de l’Angleterre et de l’Inde, et surtout le petit nombre des soldats leur semblaient la démonstration palpable de l’impuissance des barbares. Par une proclamation Lin offrit 20 dollars par tête d’Anglais, 100 dollars pour un Anglais prisonnier et 20,000 dollars par vaisseau de quatre-vingts canons, les autres à proportion. L’escadre de sir Gordon Brenner détruisit les forts qui défendaient l’entrée de la rivière de Canton, alla ensuite bombarder Amoy et Ningpo, occupa l’île de Chusan et parut à l’embouchure du Peïho. Ces faits de guerre, impossibles à cacher, amenèrent la disgrâce de Lin, convaincu d’avoir trompé l’empereur en lui annonçant qu’il avait mis fin au commerce de l’opium et qu’il avait réduit les barbares à l’obéissance. Quand l’escadre anglaise se montra devant les forts de Takou, elle y trouva un nouveau négociateur en la personne de Keshen, l’un des principaux ministres et proche parent de l’empereur. Cet habile diplomate jugea que le but le plus urgent à atteindre était d’éloigner de la capitale chinoise le théâtre des hostilités : il réussit à persuader au capitaine Elliot de faire évacuer l’Ile de Chusan, de lever le siège de Ningpo et de retourner à Carton, où les négociations se poursuivraient plus favorablement. A Canton, il fut impossible d’obtenir de Keshen autre chose que des déclarations évasives ; le temps s’écoulait et de nouvelles forces se concentraient tous les jours dans les environs de la ville. Le 7 janvier 1841, les Anglais attaquèrent et prirent successivement tous les forts qui protégeaient Canton, incendièrent les jonques de guerre stationnées dans le fleuve, et chassèrent l’armée chinoise du camp retranché qu’elle occupait. Keshen concéda immédiatement aux Anglais tout ce qu’ils demandaient : l’égalité dans les rapports officiels entre les deux gouvernemens, une large indemnité de guerre et la possession de l’île de Hong-Kong, alors inculte et déserte, mais qui commande l’entrée de la rivière de Canton, et dont les Anglais ont su faire une colonie florissante. Keshen, on le voit, était loin d’avoir rempli la mission qui lui avait été donnée d’envoyer à Pékin, enfermés dans des cages, les chefs des criminels étrangers : aussi fut-il disgracié à son tour ; il fut exilé et tous ses biens furent confisqués. Le traité qu’il avait conclu ne fut point ratifié à la date convenue, et les hostilités recommencèrent. Trois commissaires impériaux étaient arrivés à Canton avec cinquante mille hommes. Les Anglais débarquèrent de nouveau, mirent l’armée chinoise en pleine déroute, et s’emparèrent de tous les forts qui défendaient les approches de la ville. Sir Hugh Gough allait donner l’assaut, lorsque les commissaires impériaux s’adressèrent au capitaine Elliot et promirent la ratification du traité en s’engageant à verser dans les vingt-quatre heures une somme de 6