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comme des fermiers à temps. Cette situation présentait bien des inconvéniens ; il suffit d’en mentionner deux : les fermiers n’entreprenaient aucune amélioration et ne jouissaient que de peu de crédit puisqu’ils ne pouvaient offrir le gage hypothécaire. La chambre domaniale, par cette raison et par d’autres, songeait depuis longtemps à transformer le fermage à temps en emphytéose ; elle tâtonna pendant un certain nombre d’années avec des succès divers et, en 1867, elle prit une mesure générale et la réalisa très rapidement.

Actuellement, les paysans mecklembourgèois sont des emphytéotes ; ils ont obtenu cette situation favorable à des conditions équitables, souvent sans le moindre déboursé. Dans les cas relativement rares où il y avait des paiemens à faire, l’administration grand-ducale se bornait à charger le paysan d’une dette équivalente à la somme due, portant 4 pour 100 d’intérêt, auxquels s’ajoutait 1 pour 100 pour l’amortissement. Le fermage établi est devenu le canon emphytéotique que le titulaire est admis à racheter ; il se libère au moyen d’un capital s’élevant à vingt-cinq fois le canon et devient propriétaire. Sar cinq mille deux cent cinquante-trois paysans, une centaine seulement se sont rachetés ; jusqu’à présent, les autres ne semblent pas pressés de suivre cet exemple, car, quoique fermiers, ils n’ont plus à craindre qu’on surélève leur fermage ; chaque emphytéote peut cultiver sa terre comme il l’entend, il peut dans de certaines limites l’engager sous hypothèque, la vendre et en disposer par testament, naturellement dans les limites de son droit. Ce qui lui est interdit, c’est de morceler sa ferme, mais aussi de l’agrandir. Le bien emphytéotique doit passer intact d’un possesseur à l’autre. Le contrat semble d’une nature plus politique qu’économique, car on vise plutôt à la durée qu’à la productivité du bien. On peut évaluer la dimension des « fermes de paysan, » dont il est ici question, à 37 ou 38 hectares en moyenne, mais le gouvernement mecklembourgeois, qui a découpé le territoire d’après un plan rationnel, a créé en même temps, et aux mêmes conditions, sept mille cinq cent onze petites exploitations rurales de 4 à 6 hectares, dont les titulaires sont appelés Büdner (artisans pour lesquels la culture est un accessoire), ainsi que six mille trois cent quatre-vingt-douze cottagers (Häusler), ouvriers ruraux auxquels on a cédé un terrain à bâtir assez grand pour qu’il en reste de quoi faire un jardin.

C’est un système complet qu’on a établi tout d’une pièce. Le gouvernement mecklembourgeois opérait sur table rase ; il pouvait réduire ou agrandir les fermes, les combiner selon ses vues théoriques ou pratiques, et dire aux cultivateurs : C’est à prendre ou à