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Stein propose de forcer l’acquéreur de vendre les parcelles de terre qu’il peut posséder en dehors du bien indivisible, et s’il n’en a pas, la partie du prix restant due se transformera en une dette purement personnelle. C’est trancher la difficulté et non la résoudre ; c’est même pire, car l’auteur de l’Avis devrait se rappeler que, sous le régime qu’il veut établir, le créancier n’aurait presque aucune action sur son débiteur.

Le nouveau propriétaire pourra-t-il dorénavant se passer de crédit ? M. de Stein est trop économiste pour le croire ; aussi ne veut-il pas supprimer le crédit, il prétend le régler. Il y aurait deux sortes de crédit, le crédit individuel et le crédit sociétaire. Le paysan, s’il trouve un capitaliste ou un fournisseur disposé à lui faire une avance, pourra toujours contracter la dette, mais il ne pourra payer que sur ses revenus ou sur ses biens libres, la ferme indivisible restant inattaquable. L’auteur prévoit que le crédit « individuel » pourrait bien faire défaut ; le paysan aura parfois à réparer sa maison, à faire du drainage ou de l’irrigation : où trouver alors les capitaux nécessaires ? Par l’association des paysans, répond M. de Stein. Tous les propriétaires de biens indivisibles formeraient une société solidaire, et chaque bien lui serait hypothéqué. C’est la société qui emprunte à des tiers, c’est elle qui prête à ses membres ; elle prête après examen et selon son appréciation, et celui qui ne fait aucun appel au crédit n’en est pas moins solidairement responsable de l’emprunt social. Or le créancier de l’association aura une hypothèque valable, non sur un bien individuel, mais sur l’ensemble des biens ; si un paiement est en souffrance, il pourra les faire vendre un à un, à son choix, jusqu’au parfait remboursement de sa créance. Voilà donc l’hypothèque rétablie, avec cette aggravation qu’on peut être appelé à payer les dettes d’autrui. Nous ne pousserons pas plus loin cet exposé, et nous nous abstiendrons de toute appréciation. Il nous serait d’ailleurs bien difficile de louer ce système.

La limitation du droit des paysans de recourir aux emprunts hypothécaires a été proposée par plusieurs publicistes allemands distingués : nous ne nommerons que M. Schäffle, ancien ministre autrichien, qui se prononce d’ailleurs contre l’indivisibilité. Il vient de publier une brochure[1] sur la matière, et peu de ligues suffiront pour caractériser son système. La moyenne et la petite propriété seront réunies en une association forcée par commune, par canton, par arrondissement et par département, le tout couronné

  1. Die Inkorporation des Hypothekarkredits (l’Incorporation du crédit hypothécaire).