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niera pas que ce point de vue soit de quelque intérêt pour les producteurs de la mère patrie. Cette diminution profite à d’autres pays d’Europe, qui n’avaient autrefois qu’une importance secondaire. Le nombre des détaillans français, toujours nombreux à l’étranger, diminue lui-même, en même temps que les grandes maisons d’importation, si prospères de 1860 à 1870, disparaissent complètement. Le commerce est passé rapidement des maisons françaises aux mains des Allemands, qui ont continué à importer les produits français jusqu’à ce qu’ils les aient imités et remplacés, pendant que, d’autre part, l’industrie italienne, que jusque-là l’on ne connaissait pas à l’étranger et qui n’avait jamais paru sur aucun marché, se montrait, se développait en quelques années jusqu’à prendre un des premiers rangs.

Tout a marché de pair en Italie : émigration nombreuse, création de lignes de steamers pour la transporter et l’alimenter au dehors de produits nationaux, d’une banque très habilement dirigée dès le début, développement progressif de la consommation des produits de son industrie. Il ne viendra à personne, en Italie, l’idée de combattre l’émigration comme nuisible ; c’est elle, en effet, qui, si active depuis 1865 pour tous les points d’Amérique et spécialement pour La Plata, a donné à l’industrie locale la première impulsion et créé en Italie le commerce d’exportation. Le colon expatrié non-seulement consomme les produits de sa patrie, les recherche, en détermine l’importation, mais encore il en développe la consommation par son exemple, il les impose moins par patriotisme, — une vertu qu’il ne faut guère chercher dans le commerce, — que par habitude ; il les connaît, cela lui suffit pour les faire connaître, et c’est ainsi que les produits français, qui, il y a longtemps, se sont substitués aux produits anglais, imposés qu’ils étaient par le détaillant français, sont aujourd’hui en péril devant la concurrence italienne, agissant de la même manière, et la contrefaçon allemande, produisant à bon marché.

Malgré cet outillage inférieur, il n’en faut pas moins constater que chaque jour a apporté quelque progrès à notre colonie de La Plata. Les lignes de vapeurs qui la relient à tous les grands ports de France se sont développées d’une façon considérable. Il y a bientôt trente ans que les Messageries établissaient la ligne du Brésil et une ligne annexe de Rio-Janeiro à Buenos-Ayres, desservant les grandes républiques riveraines des grands fleuves du Sud par un seul vapeur mensuel de 1,200 tonnes réservé aux passagers, laissant encore aux voiliers le mouvement commercial. C’était là tout ce que produisait une subvention considérable, jusqu’à ce qu’un grand exemple fut donné à cette compagnie subventionnée par d’autres