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alors que s’écrièrent ses amis : « En pareille occurrence, un Néo-Zélandais n’aurait guère éprouvé d’embarras. En quelques instans, des piquets fichés en terre, un entourage et une couverture de broussailles auraient constitué une hutte très passable ; puis en frottant deux morceaux de bois, un bon feu se serait allumé. » Au pauvre Cunningham avaient manqué les ressources simples de l’homme primitif.

Une industrie vraiment néo-zélandaise consistait dans l’emploi de la fibre du phormium. Nous avons rappelé de quelle façon adroite les femmes savaient extraire des feuilles de cette plante la belle matière textile qu’on a nommée le lin de la Nouvelle-Zélande. De la fibre du phormium on fabriquait des filets parfois de dimensions énormes, des lignes, des paniers, des nattes, des plats même, des liens qui, dans la construction des maisons, remplaçaient les clous. On en faisait des vêtemens qui tiraient de leur éclat soyeux une apparence de richesse. Le tissage des étoffes était pour les femmes œuvre de patience ; car elles y donnaient un temps considérable. Les manteaux les plus précieux étaient composés de bandes de peau de chien habilement cousues avec le fil du lin : — parure de luxe qu’on ne portait que dans les assemblées publiques. On sait que les hommes, ayant les cheveux relevés, ornaient le sommet de la tête d’un bouquet de plumes. Les costumes et les parures d’autrefois ont été délaissés ; de nos jours, les fils des fiers rangatiras s’habillent à l’européenne ou s’enveloppent dans des couvertures de laine.

Les substances alimentaires, moins variées qu’en d’autres régions du monde, pouvaient permettre cependant des repas assez somptueux. Dans les temps où la guerre n’amenait point d’actes de cannibalisme, sur le littoral les produits de la mer assuraient l’abondance ; dans l’intérieur des terres, outre les chiens et les rats, la chasse fournissait d’oiseaux les meilleures tables. Nous ne parlerons pas des moas, que consommaient les anciens habitans du pays, comme l’attestent les os recueillis dans une multitude de foyers, ces êtres ayant disparu à une époque sans doute antérieure à l’arrivée des Européens. La racine de fougère constituait une ressource inépuisable qui se trouvait accrue, en certains endroits, par les plantes cultivées, comme les patates et les ignames, et par des fruits sauvages, à la vérité assez misérables. En diverses localités se rencontraient les palmiers ; les cœurs, qui se mangeaient crus, étaient, dit un voyageur anglais, une salade incomparable par son excellent parfum. Le beau développement physique de la race maorie prouve qu’un régime simple et l’absence de liqueurs fermentées ne présentent qu’avantages pour donner aux hommes une bonne constitution. Les navigateurs du XVIIIe siècle ont importé la pomme de terre, la plupart de nos légumes, des porcs et des volailles, mais ils ont également introduit l’usage du tabac et des