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plus dans le vide, et que l’ébullition doit s’y faire à une température moins haute, puisqu’elle est affranchie d’une cause qui la retardait. C’est, en effet, ce que l’expérience justifie : l’eau bout à 82 degrés ou à 65 degrés, quand la pression est réduite à la moitié ou au quart d’une atmosphère ; elle bout même à zéro, même au-dessous de zéro dans le vide, et l’on assiste à ce remarquable résultat que les points d’ébullition et de congélation se rejoignent et que la glace se forme en même temps que la vapeur se dégage. Mais, bien que cette ébullition soit avancée, bien qu’elle se fasse à zéro au lieu de 100 degrés, bien que la vapeur soit froide et non chaude, que la transformation se fasse dans le vide et non dans l’air, c’est une loi générale qu’une grande quantité de chaleur soit dépensée, devienne latente et entre dans la constitution de la vapeur.

Je vais confirmer ces assertions par deux expériences classiques et curieuses : une marmite de bronze à parois très épaisses, remplie d’eau, fermée par un couvercle et ne communiquant avec l’extérieur que par une soupape chargée de poids, est placée dans un four, à une température très élevée que je suppose égale à 230 degrés. L’eau partage cette température ; la vapeur s’accumule à l’intérieur, où elle atteint une force d’expansion énorme qui dépasse 27 atmosphères ; elle y est maintenue par la résistance des parois et peut indéfiniment y rester. Mais aussitôt qu’on ouvre la soupape, elle s’échappe, et comme elle entraîne avec elle la chaleur nécessaire à son expansion, on voit progressivement baisser la température jusqu’à ce qu’elle ait atteint 100 degrés ; après quoi l’ébullition se continue lentement et régulièrement à cette température ; l’eau s’est donc refroidie et se maintient au-dessous de l’enceinte par l’effet même de l’ébullition, par la nécessité d’absorber la chaleur qu’exige sa transformation en vapeurs. C’est l’appareil connu sous le nom de marmite de Papin.

Voici maintenant une expérience toute pareille, mais faite dans le vide à la température ordinaire. Elle a été imaginée par Leslie, puis perfectionnée et appliquée aux besoins domestiques par M. Carré. On met de l’eau dans une carafe bouchée qui est en relation, par l’intermédiaire d’un tube, avec une pompe pneumatique. Aussitôt qu’on fait le vide, l’eau se met à bouillir et à se refroidir, car la vapeur ne peut se former qu’en empruntant de la chaleur, et elle ne peut en prendre qu’à l’eau elle-même. Celle-ci arrive à zéro et bientôt se congèle. Si on a la précaution d’absorber la vapeur dans un réservoir rempli d’acide sulfurique, l’action se continue tant que le vide dure, et la couché de glace augmente. Cet appareil est une glacière très simple, aussi utile qu’elle est commode, et qui démontre, comme nous voulions le