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pouvoirs réguliers, du gouvernement lui-même, et elle ne s’aperçoit pas qu’au lieu de guérir le mal, elle ne fait qu’ajouter au désordre.

Voilà donc la situation intérieure sous un autre aspect qui n’est pas le moins grave, qui est bien fait pour déconcerter quelque peu l’optimisme, et ce sera maintenant aux chambres de se reconnaître au milieu de tout cela, de trouver les moyens de soulager l’industrie lyonnaise, l’agriculture, de résoudre la crise industrielle en même temps qu’elles auront à résoudre la crise financière ; Tant de questions à la fois ne laissent pas d’être embarrassantes, et cependant elles ne sont pas encore les seules ; puisqu’il reste toujours là question de notre politique extérieure engagée aujourd’hui à des degrés divers dans d’assez sérieuses affaires.

Où en est, en effet, la politique de M. le président du conseil dans les mers de Chine et au Tonkin ? Ici, il est vrai, elle a la chance d’être représentée par nos marins et par nos soldats, qui ne discutent pas avec leur devoir, qui ne marchandent pas leur vie pour la défense du drapeau et sont toujours prêts à quelque nouveau fait d’armes ; M. l’amiral Courbet s’est récemment décidé à reprendre faction contre l’île de Formose ; il s’est emparé de Kélung, qu’il a occupé, où il s’est fortifié, pendant que M. l’amiral Lespès allait attaquer le port de Tamsui, sans lequel l’occupation de Kélung restait sans sécurité. D’un autre côté, au Tonkin, M. le général de Négrier a rencontré sur la route de Lang-Son, à Lang-Kep, des forces chinoises assez sérieuses, et il a dispersé, mis en complète déroute cette armée chinoise, non toutefois sans avoir à vaincre une vive résistance, non sans avoir fait des pertes et sans avoir reçu lui-même dans l’action une blessure qui l’oblige à quelque repos. Un autre chef de notre armée, M. le colonel Donniez chargé de conduire une colonne expéditionnaire, a eu, lui aussi, une brillante affaire qui a rejeté les Chinois sur leur frontière. Tous ces récens actes de guerre sont certes l’honneur de notre armée nouvelle ; ils prouvent que nos jeunes soldats, toutes les fois qu’ils auront des difficultés à vaincre, des fatigues à supporter, un ennemi à combattre, se retrouveront les émulée des vieux soldats d’Afrique. Un point reste pourtant un peu obscur dans ces derniers incidens. Si M. l’amiral Courbet, qui s’est montré jusqu’ici aussi prudent qu’énergique, qui a si résolument enlevé Kelung, n’a pas pris plus complètement possession du port de Tamsui nécessaire à la sûreté de notre occupation, c’est qu’apparemment il ne l’a pas pu, c’est qu’il n’avait pas de forces suffisantes. Si, au Tonkin, après le brillant combat de Lang-Kep, M. le général de Négrier n’a pas pu profiter de « on succès et poursuivra les Chinois dans leur retraite sur Lang-Son, c’est qu’il n’avait pas, lui non plus, sans doute, les forces nécessaires. On en serait donc encore là ! Ce serait donc toujours la même politique décousue, voulant et ne voulant pas, engageant des opérations pour s’arrêter aussitôt, poussant nos