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l’empêchant de s’échauffer par un courant d’eau ordinaire, introduire le liquide dans un réfrigérant où il bout et dont il absorbe la chaleur, le reprendre par une pompe aspirante et le refouler de nouveau dans le compresseur. L’action est continue, le même gaz sert indéfiniment ; il n’y a d’autre dépense à faire que celle exigée par le travail des pompes.

C’est à M. Carré qu’on doit la première application de ce principe. Le gaz qu’il choisit est celui que Muschenbroek avait tout d’abord liquéfié, l’ammoniaque. De grands appareils animés par de puissantes machines à vapeur fonctionnent aujourd’hui dans toutes les parties du monde. J’en ai vu à Suez qui rendaient de grands services pendant les chaleurs. Mais M. Carré a construit également des glacières de ménage qui n’exigent aucun moteur. Deux vases en tôle de fer hermétiquement fermés, mais réunis par un tube en acier, contiennent une solution concentrée d’ammoniaque. On chauffe le premier, l’ammoniaque en est chassée et va s’accumuler dans le second, qui est maintenu dans un baquet plein d’eau froide. Cette première opération n’a pour but que de préparer l’expérience. Après quoi on supprime le foyer et on retourne l’instrument, c’est-à-dire qu’on met le premier vase dans le baquet : l’ammoniaque y retourne, entre en ébullition dans le second, qui se refroidit jusqu’à — 10 degrés et qui congèle les liquides qui sont autour.

Après M. Carré, M. Raoul Pictet a employé l’acide sulfureux, qui peut donner un froid plus considérable, de — 65 degrés. On a vu le dispositif à l’exposition dernière. M. Pictet commence par refroidir jusqu’à — 10 degrés environ une grande masse d’eau, où on a fait dissoudre du chlorure de magnésium, qui l’empêche de se congeler, et l’on y plonge des moules en fer remplis d’eau. Au bout de peu de temps, cette eau est congelée, et on retire de grands prismes de glace très pure. Enfin M. Tellier a employé comme gaz réfrigérant l’éther azotique avec le même succès ; la méthode est générale, le gaz seul est différent.


III

Revenons aux idées théoriques. Malgré ces belles applications, malgré l’emploi des plus énergiques efforts, le but final n’était pas atteint ; quelques gaz avaient cédé sans doute, mais un grand nombre d’autres, rebelles à toute tentative, à la pression comme au froid, avaient obstinément résisté. Fallait-il se résigner à dire que la loi de liquéfaction n’est pas générale ? devait-on persister à penser que les exceptions tenaient à l’insuffisance des moyens mis en œuvre ? Faraday n’avait jamais varié, et comme on revient