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tous les trois ans, élisait dans son sein un tiers des membres de la chambre haute ou lagthing, le reste des députés formant la chambre basse ou odelsthing. Toutes les résolutions du storthing étaient soumises à la sanction du roi, mais le roi n’avait qu’un veto suspensif et point le droit de dissolution. Le droit électoral était en général attaché à la propriété foncière, mais sous la condition d’un minimum de valeur d’environ 5,000 francs dans les campagnes, et dans les villes, sous la condition de l’exercice d’une industrie. Ce projet avait déjà des défauts assez saillans : l’assemblée lui fit subir les modifications les moins heureuses. Le système des deux chambres fut vivement combattu dans la discussion et ne triompha qu’à une majorité de deux voix. Il fallut faire des concessions à la minorité. Le lagthing cessa d’être une chambre permanente : il dut se renouveler intégralement tous les trois ans, avec le storthing lui-même, qui devait, après chaque nouvelle élection, désigner un tiers de ses membres pour y siéger. Chose plus grave : la division en deux chambres n’était plus exigée que pour le vote des questions législatives proprement dites. Pour toutes les autres, l’assemblée laissa à décider au prochain storthing la manière de les traiter, et, comme le système de la chambre unique s’est trouvé en faveur au storthing, il en est résulté que les questions de finances, de politique intérieure, et toutes celles qui ne sont pas proprement législatives ont été portées à l’assemblée générale. La division en deux chambres est donc plus apparente que réelle. Le gouvernement est placé en face d’une chambre unique qu’il ne peut pas dissoudre et dont les pouvoirs sont plus étendus peut-être que ceux d’aucune représentation. Pour n’en citer qu’un exemple, qui est remarquable, le storthing a le droit de réviser les appointemens et les pensions des fonctionnaires. On est d’accord pour reconnaître que les appointemens sont fixés une fois pour toutes pour chaque fonction et que le droit de révision ne peut pas s’exercer à chaque nomination nouvelle; mais les pensions sont personnelles, et le storthing n’étant lié, en ce qui les concerne, par aucune loi ni aucun précédent, les fixe à sa guise. On comprend qu’il soit tenté d’abuser de ce droit en privant de pension les fonctionnaires qui lui déplaisent, et effectivement il succombe à la tentation. M. Stang, ministre d’état, en a fait l’expérience en 1882.

Ce n’est pas tout. L’assemblée d’Eidsvold fit encore au projet d’Adler et Falsen une correction qui a eu de graves conséquences : elle élargit le droit de suffrage. Elle n’alla pourtant pas jusqu’à établir le suffrage universel, comme le proposait son comité de constitution, mais, en maintenant la condition de propriété foncière pour l’électorat, elle supprima, dans les campagnes, le minimum de valeur que portait le projet. Il suffit, pour être électeur,