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les affaires de la France avec toutes les passions de faction et de secte, qui a sacrifié les idées de gouvernement aussi bien que les garanties libérales à un intérêt de domination, qui a tout violenté et tout déprimé pour régner. Cette triste politique, elle a porté ses fruits, elle a mis le gaspillage dans les finances, l’esprit d’aventure dans les affaires extérieures, la guerre dans la vie morale du pays, l’incohérence dans la justice et dans l’administration comme dans l’armée, les calculs électoraux dans toutes ses œuvres. Elle a conduit à cette situation pénible, laborieuse, que tout le monde voit, excepté peut-être ceux qui en sont les auteurs, où régne ce sentiment universel de défiance et d’inquiétude qui t’ait qu’on cherche de tous côtes une issue qu’on n’aperçoit pas. Tel est l’inexorable et peu rassurant résultat de ces quelques années de politique républicaine. Le dernier mot, c’est cette crise indéfinissable où s’épuisent les forces du pays, où se débattent encore aujourd’hui chambres et gouvernement, sans savoir comment ils en finiront avec cette réforme du sénat, qu’ils ont rendue nécessaire, avec ce déficit du budget qu’ils ont préparé, avec ces affaires du Tonkin où ils semblent plus que jamais se perdre à la recherche d’une solution.

On dirait que les républicains ne peuvent se défendre d’un malheureux penchant. Ils ont le goût du bruit, de l’agitation, du changement pour arriver presque toujours aux résultats les plus médiocres ou les plus inavouables. Lorsqu’il y a quelques mois, le gouvernement a engagé cette campagne si inutilement bruyante de la revision constitutionnelle, quelle était sa pensée ? Il le cachait à peine, il se proposait d’enlever aux partis une arme qu’il supposait dangereuse, il voulait supprimer d’avance un mot d’ordre d opposition et de guerre dans les élections prochaines. C’était tout simplement un calcul de parti. La revision a été votée, non sans tumulte, et la première, ou pour mieux dire l’unique conséquence de cette grande réforme constitutionnelle, c’est la nécessité d’une nouvelle loi électorale pour le sénat. Soit, la loi a été présentée, discutée, et elle est même déjà votée au Luxembourg. A quoi a-t-on songé en la préparant ? S’est-on préoccupé de donner au sénat plus de force, plus d’autorité morale par une organisation plus rationnelle et plus large ? Pas le moins du monde. On a songé avant tout à supprimer directement ou indirectement les inamovibles et à inscrire dans la loi un système de proportionnalité augmentant le nombre des électeurs sénatoriaux des villes qu’on supposait plus favorables aux républicains. C’était encore un calcul de parti, une tactique électorale, — et voila pourquoi on a entrepris une campagne de revision, au risque de porter un premier coup aux institutions.

Un homme de réflexion et d’étude qui présidait la commission sénatoriale et qui ne parle pas souvent, M. Scherer, a essayé de relever