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diverses provinces, descendans des Celtes, des Romains, des Basques, des Franks et des Burgondes, les différences physiques sont aussi grandes qu’entre les Prussiens de Kœnigsberg, les Bavarois et les Saxons. Pour quiconque serre les faits de près, il n’y a pas de race allemande à caractères nettement définis, mais des citoyens allemands soumis à des lois et jouissant de droits communs. Il n’y a même pas de race bavaroise ni de race prussienne avec ses traits propres. Bien embarrassé serait l’artiste consciencieux chargé de trouver un type en état de représenter convenablement par une seule figure la population des diverses parties de l’Allemagne. Sous ce rapport, les écrivains latins et grecs se trouvaient mieux à leur aise que nous ne pouvons l’être. Nous ne pouvons plus affirmer avec Tacite « que le sang des Germains ne fut jamais altéré par des mariages étrangers, que c’est une race pure, sans mélange, et qui ne se ressemble qu’à elle-même. » Qui oserait encore attribuer un « air de famille » à « cette immense multitude d’hommes ; des yeux bleus et farouches ; des cheveux roux ; des corps de haute stature et vigoureux ? » On prêtait des « corps monstrueux » aux Chaukes, a des membres puissans » aux Chérusques ; on dépeignait à Rome les Alamanns « plus grands que nos hommes de la plus haute taille ; » on trouvait les Burgondes « longs de sept pieds, » tandis que les Ostrogoths dépassaient de beaucoup les soldats byzantins. Si la taille des Allemands est supérieure à celle des races latines, elle a été exagérée de beaucoup par les Romains, soit sous l’effet de la peur, ou sous l’inspiration d’une vaine gloriole. Les squelettes germains découverts dans leurs tombeaux ne sont pas tous énormes, et la stature des Allemands du moyen âge a été telle que les armures du ⅩⅣe au ⅩⅥe siècle sont trop étroites pour la taille moyenne actuelle. En ce qui concerne la forme de la tête, les anthropologistes signalent, parmi les crânes préhistoriques, des brachycéphales, des mésocéphales et des dolichocéphales autant que pour les populations actuellement vivantes de l’Allemagne. Quant à la couleur des yeux et des cheveux, les nuances claires dominent sans exclure les nuances foncées. Le professeur Virchow vient de faire, dans les écoles de tout l’empire, un relevé d’après lequel les yeux noirs et les cheveux bruns sont dans le rapport de 23 à 33 avec les yeux bleus et les cheveux blonds pour la Prusse et la Bavière. Ces différences de couleur, de forme et de taille constatées chez les Allemands de nos jours nous éloignent beaucoup de la race pure et de l’air de famille attribués aux Germains du temps de Tacite.

A défaut d’unité dans les caractères corporels, le gouvernement s’efforce à introduire ou à réaliser l’unité de langage, en imposant l’usage obligatoire de la langue allemande aux populations de