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Au lieu de s’étendre au royaume actuel, le nom de Preussenland s’applique tout au plus aux deux provinces de Prusse orientale et occidentale, qui ont Kœnigsberg et Dantzigpour chefs-lieux. Encore s’en faut-il de beaucoup que les habitans des deux provinces soient Prussiens d’origine. Leur territoire, ou plutôt la population, se trouve germanisée au point que Boeckh dénonce comme un intolérable abus d’appeler Prussiens les Allemands de la Prusse. Sur 1,930,000 individus recensés sur le territoire occupé naguère par le peuple prussien, pour une superficie de 735 milles carrés, Boeckh comptait, en 1869, environ 1,450,000 Allemands pour une aire de 493 milles, 340,000 Polonais avec 185 milles de surface et 140,000 Prussiens-Lithuaniens avec 57 milles de surface. En 1849, Berghaus évaluait à 120 milles carrés l’étendue du domaine de la tangue prussienne où letto-lithuanienne, en y comprenant les localités où plus du huitième des habitans parlait letton. À ce compte, il n’y aurait plus en 1869, époque de la publication du livre de Boeckh : der Deutsthen Volkszahl und Sprachgebiet in den europäischen Staaten, que 102 milles pour la surface du même domaine et 57 milles seulement, si l’on ne considère que les localités où prédominait l’élément prussien.

La population, avec prédominance de la langue letto-lithuanienne, se concentre dans les pays de Schalanen et de Nadranen, parties de la petite Lithuanie correspondant aux cercles administratifs actuels d’Insterburg et de Labiau. Même dans ces cercles, nous trouvons les restes des anciens Prussiens en présence de descendans de colons allemands venus des bords de la Mer du Nord et mêlés avec des émigrans d’origine franque, alamannique et bavaroise. Personne ne peut affirmer sûrement si la population autochtone des districts où se parle encore la langue lettone provient de la branche lithuanienne ou de la langue kurienne. Des quantités de Lithuaniens se sont fondus avec les Prussiens primitifs et paraissent provenir d’une souche commune. Le lithuanien est, de tous les idiomes actuellement parlés en Europe, celui qui rappelle davantage le sanscrit. Il forme avec le livonien, en usage dans les provinces russes de la Baltique, deux rameaux distincts du groupe celtique, tandis que le rameau borussien, ou prussien proprement dit, est tombé en désuétude. Au nord du Niémen, le parler letton prédomine dans le pays, de Schalanen jusqu’à Tilsitt. Sur les 120,000 habitans de la contrée, il y a 67,000 Prussiens, Lithuaniens ou Kuriens. Tandis que la ville de Memel est allemande, les Allemands comptent à peine pour un tiers de la population rurale des environs contre un tiers de Lithuaniens dans les campagnes au sud de la rivière. Impossible d’ailleurs de tracer une ligne de démarcation entre les localités où le langage populaire