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du courant austral rayonnent de la chaleur vers l’espace qui est limpide et se refroidissent ; cela amène une sursaturation, une précipitation d’eau qui, à cette température, se gèle en fines aiguilles cristallines. Ce sont celles qu’ont vues Barral et Bixio. Elles tombent dans les couches inférieures qui ne sont point saturées, et s’y évaporent de nouveau. En résumé, une certaine somme de vapeur a quitté la couche supérieure, qui s’est desséchée, et s’est finalement transportée aux tranches inférieures, qui sont devenues plus humides et qui prennent le rôle qu’avait joué celle du dessus. Ce mécanisme se continue par cascade, de haut en bas, et se caractérise par une descente de l’eau dont toute la provision finit par gagner la terre, non en une seule fois, mais peu à peu, tout en marchant ; il se caractérise aussi par une descente progressive de la chaleur, qui est remplacée par le froid, jusqu’à ce que, arrivé au pôle, le courant austral n’ait plus rien gardé ni de la chaleur ni de la vapeur dont il avait été faire provision sur l’anneau d’aspiration.

Ces exemples, que je ne veux pas multiplier, nous font comprendre les services que les ballons ont rendus et peuvent rendre dans l’avenir à la météorologie. En terminant le récit de ses périlleux voyages, M. Glaisher regrette que l’Angleterre soit une île de trop petite étendue pour qu’il soit possible de les prolonger la nuit et les continuer longtemps. Il fait appel à la France, patrie des ballons pour continuer son œuvre. J’ajoute bien volontiers mes vœux aux siens, sans espérance de les voir exaucer : c’est une œuvre de longue patience et de trop grosse dépense pour être aujourd’hui tentée, mais qu’un avenir prochain accomplira sans aucun doute. Les ballons nous feront connaître les lois de l’électricité atmosphérique, sur laquelle on ne sait rien, ou les variations des courans aériens que nous ne connaissons pas davantage. Que de découvertes bienfaisantes ne pouvons-nous pas attendre de ce côté ! D’autre part, quelle effrayante aggravation les aérostats vont prochainement apporter dans l’art des batailles ! On ne peut songer sans effroi au sort des habitans d’une ville assiégée sur laquelle un ballon viendra verser une pluie de dynamite. Quant à un service de transport ou de voyage, je me prends quelquefois à penser que l’humanité a trop espéré des ballons, qu’elle a fait un rêve et qu’elle n’en tirera pas ce qu’elle avait espéré. Mais qui peut prévoir l’avenir des inventions humaines quand elles commencent ? Plus que jamais, on peut répéter le mot de Franklin au sujet des ballons : C’est l’enfant qui vient de naître.


J. JAMIN.