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eurent ensemble (28 mars 1740), ils décidèrent de demander une nouvelle audition des quatre principaux dénonciateurs, Grossi, Cecchi, Pupiliani, Minerbetti, dont les dépositions avaient été énergiquement démenties par le prévenu.

Le 14 avril, comparut l’abbé Grossi. Dans sa haine, il maintint ses accusations précédentes et en ajouta de nouvelles : Tommaso était hérétique, il se moquait de l’huile sainte, il appelait la confession le bourreau des consciences, il affirmait le baptême uniquement bon à laver la tête du baptisé et à empêcher que les poux ne s’y missent, il allait à la chasse dans le temps de la messe, et il se moquait des personnes pieuses qui y assistaient. Cecchi, du moins, n’ajouta rien à ses déclarations précédentes. Pupiliani, s’attachant à revenir sur les siennes, reconnut qu’il n’avait parlé que par conjecture d’un homme réputé médiocre catholique. Quant à l’éventé Minerbetti, sans souci de se contredire, il prétendait ne se rien rappeler. Pour lui rendre la mémoire, il fallut le menacer de l’incarcération, de « l’examen rigoureux, » qui se compliquait de la torture questionnaire. On fit luire à ses yeux le poignard des féroces Crudeli, prêts à le châtier de ses dépositions précédentes. Que deviendrait-il, non protégé par le saint-office ? Suant la peur, ce faible esprit reconnut véritable tout ce qu’il avait dit antérieurement, signa tout ce qu’on voulut. Notre auteur suppose que le chancelier dut altérer après coup et aggraver le procès-verbal ; supposition bien inutile : avec un idiot terrifié, l’on pouvait agir au grand jour. Les témoins, d’ailleurs, ne juraient-ils pas le secret ?

Restait à entendre les témoins à décharge, des amis qui, pour sauver l’accusé, allaient bravement attester, sous la foi du serment, sa parfaite orthodoxie. C’est, en effet, dans ce système ingénieux que le caduc défenseur avait conçu la défense : établir les nombreux actes de piété qu’on pouvait attester de son client, assiduité aux offices, même les jours ouvrables, communion fréquente, vénération spéciale des madones et des saintes images qui ornaient partout le coin des rues, et devant lesquelles brûlaient nuit et jour chandelles ou lampions. Si ces actes étaient prouvés, les accusations contraires se trouvaient fausses. Il ne s’agissait que de gagner et de produire des témoins complaisans. Mais le plus imprévu des incidens survint, qui renversa ce bel échafaudage et imposa un changement de tactique.

Le 21 avril, Minerbetti ayant, par hasard, sous sa stupidité retrouvé sa conscience, tombe comme une bombe chez son vieux cousin l’octogénaire marquis Luca Casimirro des Albizzi. « Je suis mort ! s’écrie-t-il. Je suis damné ! — Eh ! pourquoi ? — J’ai calomnié d’honorables citoyens ; j’ai fait jeter dans les cachots du saint-office