Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par des guerres ou des révolutions meurtrières ; elle a passé, elle arrive à sa dernière heure sans trouble apparent. Elle n’a pas été, si l’on veut, plus malheureuse que bien d’autres que nous avons vues ; elle n’a pas été non plus assurément brillante et féconde pour la France. Cette année 1884 qui s’en va, après bien d’autres, sans gloire et sans profit, elle n’a donné au pays, impatient d’être bien servi, ni les œuvres généreuses et utiles, ni l’éclat des grands débats publics, ni le réveil moral, ni l’essor des prospérités matérielles, ni la garantie d’une politique rassurante par ses inspirations comme par ses procédés. Elle est l’année des expéditions sans direction et sans issue, d’un trouble inutile dans les institutions par une révision de fantaisie, des désordres et des embarras croissans dans les finances françaises, naguère encore si puissantes. Elle n’a pas ouvert le règne des aveuglemens et des imprévoyances inauguré depuis trop longtemps déjà par une politique qui se dit républicaine et qui n’est qu’un système de perpétuelles concessions aux idées fausses, aux passions et aux plus vulgaires intérêts de parti ; elle l’a continué en l’aggravant, et elle finit d’une façon assez piteuse, par une sorte d’aveu d’impuissance des assemblées et du gouvernement, réduits à ne pouvoir ni se décider sur les questions de l’Indo-Chine, ni donner une organisation sérieuse an sénat pour compléter la révision, ni même voter un budget à demi régulier. C’est le dernier mot de la situation de la France au moment où vient de se clore une session extraordinaire aussi stérile et aussi vaine que l’avait été déjà la session ordinaire du printemps.

La vérité est que cette médiocre année qui finit laisse nos affaires extérieures, particulièrement nos affaires de l’extrême Orient, dans une obscurité assez peu rassurante. Où en est la politique de la France avec l’Angleterre, avec l’Europe, au sujet de l’Egypte, au sujet de ces questions africaines, qui semblent être devenues le point de départ d’évolutions ou de combinaisons passablement énigmatiques ? Quel système compte-t-on suivre dans noire entreprise du Tonkin, dans nos démêlés avec la Chine ? C’est là ce qui reste plus que jamais assez obscur. On s’enveloppe de mystère comme si l’on poursuivait de profonds desseins et, en définitive, les plus récentes explications données devant les chambres n’ont rien expliqué ni rien éclairci. Assurément notre diplomatie n’est pas tenue de dire à tout propos ses secrets, de raconter heure par heure ce qu’elle fait, au risque de compromettre les plus sérieux intérêts du pays ; elle ne peut traiter les affaires avec autorité et avec succès qu’en sachant se taire quand il le faut, c’est entendu. Si le gouvernement d’aujourd’hui ne revendiquait son droit de discrétion et de réserve que pour mieux agir sans bruit, pour user résolument de sa liberté dans l’intérêt des affaires dont il est chargés, si on était bien sûr qu’il en fût ainsi, il n’y aurait pas à se plaindre.