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que le parlement réclame du gouvernement, à son profit, soient largement données par le parlement lui-même à la nation. C’est malheureusement le contraire qui a souvent lieu. Les obligations que le parlement impose au gouvernement il ne se les impose pas à lui-même, et lorsque le gouvernement a réussi à établir l’unité, le parlement ne se croit pas obligé de la maintenir. La chambre des députés, rapportant tout à elle-même, et se considérant trop souvent et contrairement à la constitution et à la raison, comme si elle était le Parlement à elle toute seule, la chambre croit qu’il suffit qu’elle soit satisfaite pour que le pays n’ait rien à dire ! Il semble qu’elle n’ait nul souci de tenir le pays au courant de ses affaires ; elle méprise les principes qu’on a établis pour assurer la publicité de la situation financière et pour permettre à la nation de la juger en connaissance de cause au moyen de documens administratifs et législatifs bien ordonnés. Il est vrai que les gouvernemens ont quelquefois détruit d’eux-mêmes le principe de l’unité ; mais cette destruction du principe est bien plus grave et peut produire des effets bien plus fâcheux, quand elle émane du pouvoir auquel la garde en est confiée.

Les procédés par lesquels on a rompu l’unité sont variés, et leur histoire serait l’histoire financière du demi-siècle qui vient de s’écouler. Il est arrivé, de temps à autre que le gouvernement a négligé, par préméditation, de faire entrer toutes les dépenses dans le total des dépenses publiques, réservant pour une sorte de budget rectificatif ou supplémentaire les dépenses qu’il lui convenait de soustraire à la discussion publique. Mais il est arrivé aussi que l’unité a été rompue par des nécessités réelles d’ordre politique où économiques, nécessités toujours discutables et naturellement discutées, mais auxquelles on a été très souvent obligé de donner satisfaction. C’est le cas des budgets extraordinaires. Rien n’est plus difficile que de maintenir l’unité de budget quand il existe des budgets extraordinaires. En 1871, on a créé un budget extraordinaire sous le nom de compte de liquidation. Il s’agissait de faire des dépenses dont l’objet était de rétablir nos fortifications, notre matériel militaire, nos approvisionnemens. On a cru que la politique commandait de ne pas donner aux efforts qu’on voulait faire une publicité trop étendue. Il fallait apaiser les esprits au dedans et au dehors, et ne rien faire qui pût rallumer des étincelles mal éteintes. Le compte de liquidation a rompu, absolument l’unité du budget, et il est à craindre qu’il n’en soit résulté ce qui résulte toujours de l’abandon de ce principe, une augmentation dans le montant des dépenses ; un emploi de capitaux disproportionné avec l’effet qu’on cherchait et avec l’effet qu’on a obtenu. Lorsque M. Magne,