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mois de suite, ni donner des ordres irrévocables à ses agens pour une année tout entière. Voilà le fin mot de la doctrine. On ne rencontre pas beaucoup d’hommes politiques prêts à confesser une théorie aussi extrême, mais on en rencontre un très grand nombre qui la pratiquent, sous les formes les plus variées.

C’est, par exemple, un des axiomes de. la politique de méfiance que, pour rester maître du ministère dans un gouvernement parlementaire, il faut toujours lui faire espérer le budget, mais le lui donner le plus tard possible, car le gouvernement, une fois en possession du droit de percevoir les impôts, pourrait se jouer des injonctions du parlement et se passer de lui. On ne peut avoir confiance en personne, c’est le refrain. Il est vrai qu’en revanche, on a la plus grande confiance en soi-même, ce qui étonne souvent la galerie. Il ne manque pas de députés pour dire que les ministres doivent être tenus en bride et n’être laissés en possession du pouvoir d’administrer que s’ils sont prêts à en référer préalablement aux chambres pour toutes les questions qui sont cependant de leur ressort, on a vu quelquefois des ministres demander des consultations à la commission du budget pour savoir s’il fallait, ou non, modifier le cahier des charges d’une adjudication, ou pour prendre telle autre résolution. On a perdu la notion de la différence qu’il y a entre des lois, des arrêtés et des décrets. C’est une véritable perversion du gouvernement parlementaire.

Le vote préalable du budget suppose certainement que le parlement ne refuse pas sa confiance au ministère, puisqu’il lui donne le droit de percevoir les impôts et d’engager les dépenses. Donner le droit d’exécuter un budget annuel, c’est bien donner le pouvoir d’administrer la fortune publique pendant une année. Il faut bien admettre que les chambres ne peuvent investir de ce droit que des ministres qui ont leur confiance, et qu’elles auraient tout à fait le droit de s’y refuser si elles pouvaient croire que le gouvernement administrât le pays, avec l’argent qu’on met à sa disposition, dans un ordre d’idées contraire aux vues de la majorité.

Mais ce n’est pas alors le budget qu’il faut refuser, c’est un ordre du jour de méfiance qu’il faut voter.

Le gouvernement, parlementaire est fondé sur un mécanisme bien simple. Quand le cabinet perd la confiance du parlement, il quitte la place, et c’est un cabinet nouveau qui est appelé à lui succéder.

On a vu, il est vrai, en Angleterre et en France, le pouvoir exécutif résister à la volonté des parlemens. Il y a eu des révolutions par en haut comme il y en a eu par en bas, et les parlemens ont pu avoir le dessous dans des guerres civiles. On peut soutenir que les