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à la fécondité des familles de l’Allemagne, fécondité qui lui aurait assuré 150,000 conscrits de plus à vingt ans avec un effectif supplémentaire de 500,000 à 600,000 enfans par année. Ah ! n’affectons point de dédain pour la force des armes après la douloureuse expérience de nos revers et la rançon des milliards payés aux vainqueurs. Quoi qu’en pensent les rêveurs de la paix universelle, la prospérité et la richesse d’un peuple ne sont vraiment complètes que si ce peuple dispose d’une puissance militaire suffisante pour défendre cette richesse et cette prospérité.


III

En vérité, le premier lien qui unit entre eux tous les citoyens d’un grand pays, c’est celui d’une protection mutuelle et d’une commune défense. Personne n’affirme mieux ce fait que les Allemands des petits états établis à l’étranger. La constitution de l’unité nationale nous a coûté de grands sacrifices, disent les Badois et les Wurtembergeois, mais ces sacrifices sont compensés par des avantages supérieurs. Autrefois, quand l’un ou l’autre d’entre nous était molesté au dehors comme sujet d’un état secondaire, ses plaintes restaient sans écho, et il ne pouvait obtenir justice. Maintenant que nous pouvons invoquer, en qualité de citoyens allemands, l’appui du gouvernement de l’empire, tout le monde nous respecte et nous craint. Ainsi nos voisins d’outre-Rhin reconnaissent une augmentation de sécurité comme résultat de leur unification politique. Tout naturellement, l’accroissement rapide de la population doit déterminer un mouvement d’émigration considérable. Faute de colonies allemandes, ce mouvement se porte sur les colonies étrangères et surtout du côté des États-Unis d’Amérique. On se demande pourtant s’il ne vaudrait pas mieux, dans l’intérêt commun des émigrans et de la mère patrie, de diriger le courant sur des colonies propres à l’Allemagne. Les sociétés de colonisation fondées dans les grandes villes de commerce, à Hambourg, à Berlin, à Francfort, ont posé la question de la politique coloniale. Par la convocation de la conférence pour régler les conditions du commerce européen sur le Congo et le Niger, le gouvernement de l’empire montre qu’il se préoccupe sérieusement de cette question. Le prince de Bismarck comprend l’importance majeure, sinon la nécessité de favoriser l’extension du commerce allemand dans les diverses parties du monde, afin d’assurer plus de débouchés à l’industrie nationale. Plus les Allemands augmentent en nombre, plus ils sont tenus de développer leur industrie. Pour protéger leur commerce, il leur faut des stations navales et des ports de ravitaillement hors des mers d’Europe. De là l’occupation de la côte des Cameroons dans l’Afrique occidentale