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objecter que ces valeurs ne seraient réalisées que dans l’hypothèse de l’utilisation intégrale de toutes les forces productives dont disposent les émigrans. D’autre part, si l’émigration était moins intense, la surabondance des bras sur le marché du travail en Allemagne ne permettrait peut-être pas d’atteindre un produit aussi élevé. Sans approfondir ici l’examen critique des facteurs d’un calcul plus ou moins contestable, on peut affirmer aux partisans des colonies officielles dans l’intérêt de la nation allemande que la perte attribuée aux effets de l’émigration est certainement moins énorme qu’ils ne pensent, et se trouve compensée par d’autres avantages. Sans l’émigration contenue dans ces limites et qui modère un accroissement excessif de la population, le développement de la richesse nationale suivrait certainement une marche moins régulière.


IV

Tout en laissant à l’émigration son libre cours, sans l’entraver par des mesures de police, sans chercher à la détourner de force dans des colonies officielles, avec de grands sacrifices pour l’état, l’accroissement de la population oblige le gouvernement de l’empire allemand à favoriser l’expansion du commerce et de l’industrie, expansion sans laquelle une émigration plus forte sera nécessaire. Par la force des choses, plus impérieuse que les volontés humaines, le prince de Bismarck se trouve amené à inaugurer pour l’Allemagne une véritable politique coloniale. Coup sur coup, le Reichstag s’est trouvé saisi d’une série de propositions pour le développement de la marine militaire, pour des subventions à des lignes de paquebots entre Brème, Hambourg, l’extrême Orient et l’Australie, ainsi qu’à une compagnie de colonisation dans la Mer du Sud. En même temps nous arrive la nouvelle de l’occupation d’Angra Pequeña et celle de la côte de Cameronnes, en face de Fernando-Pô. A Fernando-Pô, le gouvernement espagnol vient de céder à l’Allemagne, dans la baie de Sainte-Isabelle, un terrain pour une station de charbon et de ravitaillement. Il a été question aussi de la cession d’un îlot près de Cuba, puis de celle de Lancerote, une des îles Canaries, et de Fromentera, une des Baléares, ainsi que de Las-Chamias, Ilot méditerranéen à mi-route entre Gibraltar et Malte, avec le territoire de Zébu, sur l’Ile de Luçon. D’autres projets encore sont en suspens et dès maintenant le pavillon allemand flotte en Océanie, à la Nouvelle-Bretagne et sur plusieurs autres lies, telles que le Nouveau-Hanovre, la Nouvelle-Irlande et le nord de la