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UNE
ANCIENNE COLONIE FRANCAISE

I.
LE REGIME PARLEMENTAIRE AU CANADA (1791-1840)

L’histoire du Canada, depuis la conquête anglaise, présente cet exemple original et peut-être unique d’un peuple qui, afin de conserver ses institutions, sa langue et sa religion, s’initie au régime constitutionnel, s’approprie l’instrument que le vainqueur avait forgé contre lui et, à force de ténacité, arrache une à une ces libertés nécessaires dont la possession et la pratique sincères pouvaient seules assurer le maintien de sa nationalité. En d’autres pays, le système représentatif s’est établi naturellement, par une sorte de cristallisation politique, par imitation de ce qui se passait ailleurs, pour garantir le contrôle des actes et des dépenses, échapper à des abus intolérables : nulle part on n’a vu ce phénomène d’une race à laquelle sa foi catholique, l’amour de la patrie perdue, inspirent le goût, font comprendre le besoin d’un gouvernement libre, qui s’en sert comme d’un bouclier, se façonne à ses règles délicates et compliquées à mesure qu’elle les reconnaît, gagne sans cesse du terrain et triomphe de tous les obstacles. Les peuples logiciens, les peuples artistes, les peuples guerriers sont peu propres au régime parlementaire ; moins que tout autre, celui-ci paraissait capable d’une métamorphose si profonde, car, pendant la domination française, le Canada n’a que le caractère d’une colonie féodale et d’une mission : son administration est établie sur les mêmes