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ayant fait entrer à la chambre un certain nombre de fonctionnaires) celle-ci autorisa la création de l’Institution royale, qui, dans la pensée de ses promoteurs, devait contribuer à angliciser le pays. Da même coup, la direction de l’enseignement passa au gouverneur, qui marqua une grande partialité en faveur des protestans, ressuscita la politique d’exclusion contre les Canadiens, mit une foule d’obstacles à la concession des terres et à l’établissement légal, de nouvelles paroisses catholiques.

Dos 1805, tout indique une prochaine reprise des hostilités : afin d’avoir un organe à eux, les Anglais fondent le Québec Mercury, qui, tout d’abord, se pose en champion de la camarilla coloniale, attaque avec violence la majorité, traite les Canadiens de race étrangère, ignorante, et lance ce cri de guerre : « Après une possession de quarante-sept ans, il est juste que la province, enfin, devienne anglaise. » De leur côté, les Canadiens s’apprêtent à. la résistance : dans la chambre, ils votent une taxe sur les marchandises, en dépit de la minorité, qui réclame une taxe foncière et prie en vain le roi d’opposer son veto ; ils décrètent de prise de corps l’éditeur de la Gazette de Montréal, le font arrêter et placer sous la garde du sergent d’armes ; celui du Mercury n’échappe à la prison, qu’en présentant des excuses à l’assemblée. La presse, à cette époque, écrit M. Bedard, avait fait si peu de progrès, qu’on n’avait pas encore pensé à légiférer sur le plus ou moins de liberté qu’elle devait avoir, et les représentans n’hésitaient point à se faire justice eux-mêmes. L’évêque protestant ayant été appelé à la présidence de l’Institution royale, le clergé catholique la repousse et paralyse son fonctionnement. Enfin, le journal le Canadien fait son apparition, le 13 novembre 1806, sous la forme de « Prospectus d’un papier périodique, imprimé et publié par Charles Roi, quatre pages in-4o, paraissant tous les samedis. Prix : 10 schillings par an, outre 40 sous de frais de poste. » On y lit ces remarquables réflexions : « Il y a déjà longtemps que des personnes, qui aiment leur pays et leur gouvernement, regrettent en secret que le rare trésor que nous possédons dans notre constitution demeure si longtemps caché, faute de l’usage de la liberté de la presse… C’est cette liberté qui rend la constitution anglaise si propre à faire le bonheur des peuples qui sont sous sa protection… Le despote ne connaît le peuple que par le portrait que lui en font les courtisans, n’a d’autres conseillers qu’eux. Sous la constitution d’Angleterre, le peuple a le droit de se faire connaître lui-même par le moyen de la presse ; et, par l’expression libre de ses sentimens, toute la nation devient, pour ainsi dire, le conseiller privé du gouvernement… Les Canadiens, comme nouveaux sujets de l’empire, ont surtout intérêt à n’être pas mal représentés. Il n’y a pas longtemps, qu’on les a vus