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a contre lui, non-seulement ses adversaires qui s’allient pour le combattre, mais encore quelques-uns de ses amis qui l’abandonnent. Qu’en sera-t-il au milieu de tout cela du ministère ? Le président du conseil, M. Canovas del Castillo, le ministre de l’instruction publique, M. Pidal, le ministre de l’intérieur, M. Romero Robledo, se sont défendus jusqu’ici avec autant de talent que de succès, ils se défendront encore énergiquement, cela n’est pas douteux, contre toutes les interpellations qui vont se succéder ; ils auront évidemment fort à faire pour maintenir leur majorité, et c’est ainsi que cette session a commencé d’une manière assez laborieuse au moment même où éclataient ces désastres qui ont désolé une partie de l’Espagne, qui sembleraient devoir imposer une trêve de bien public, de charité nationale.

Depuis la fin du mois dernier, en effet, depuis plus de quinze jours, presque sans interruption, l’Espagne n’a cessé d’être livrée à ce fléau des tremblemens de terre. A Madrid même, les commotions ont été assez légères et ne se sont pas reproduites. Dans le midi de l’Espagne, dans les provinces de Grenade, de Malaga, de Jaen, de Séville, les convulsions se sont succédé depuis le jour de Noël et ont pris les proportions d’une véritable catastrophe. Des milliers de victimes ont déjà péri. Des villes presque entières sont tombées en ruines ; des monumens séculaires ont été démantelés. Les populations épouvantées se sont vues réduites à abandonner leurs demeures et à s’en aller dans les campagnes pour échapper à un fléau d’autant plus redoutable qu’il est mystérieux, qu’il n’y a aucun moyen de s’en défendre. Le gouvernement s’est empressé de demander aux chambres des crédits pour venir en aide aux provinces si cruellement frappées. Le roi a voulu lui-même se rendre en Andalousie, il a tenu à porter ses sympathies et ses secours à ces populations éprouvées. Il est allé à Loja, à Grenade ; il va parcourir le Midi, et on est même obligé encore, par prudence, de le loger sous la tente. Le roi Alphonse fait son devoir de souverain. Malheureusement il est trop clair que tous les secours officiels sont des moyens bien insuffisans pour soulager tant de misères et réparer tant de ruines. Dès ce moment, les pertes sont immenses pour les provinces de l’Andalousie et par suite, pour l’Espagne tout entière, qui se ressentira longtemps de cette catastrophe. Voilà qui est un peu plus émouvant et mieux fait pour occuper des assemblées que des turbulences d’étudians sur lesquelles on discute pendant quinze jours, dont les partis se servent pour se disputer le pouvoir !


CH. DE MAZADE.