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confiance qui rehausse les cœurs. Depuis Médéa, le commandement n’avait eu ni vigueur, ni décision. Le soldat ne se sentait pas conduit l’officier se négligeait ; de là, le désordre, l’indiscipline, le découragement, la défaillance.

Incertain, troublé, mécontent de tout le monde, défiant de lui-même, le général Berthezène fit avec les vaincus une capitulation, comme s’ils avaient été les vainqueurs. Très bon commandant de gendarmerie, le chef d’escadron Mendiri était un pitoyable agha des Arabes ; mais quand, de par le choix du général en chef, l’agha fut un Arabe de grande famille, un des marabouts vénérés de Koléa, Mahiddine el Sghir, alors le titre flétri reprit son éclat, la fonction discréditée redevint une puissance, la fiction misérable une réalité d’or, car un traitement de 40,000 boudjous, quelque chose comme 72,000 francs, fut affecté au personnage. Qu’apportait-il au général en retour ? La soumission des indigènes à l’autorité française ? Non pas ; la soumission à l’agha. Tout ce qui, en dehors d’Alger, touchait à leurs affaires, n’était et ne pouvait être traité que par lui ; c’était lui qui, de sa résidence de Koléa, choisissait et nommait les caïds, sauf à leur faire donner par le général en chef un semblait d’investiture. Au-delà des avant-postes français, c’était lui seul qui commandait, lui seul qui gouvernait, lui seul qui était le maître. Sous sa garantie, la paix allait être établie sans doute ? Non pas la paix, une trêve sans dignité : tel était le résultat dont se tenait content, le général Berthezène.


V

S’il croyait avoir échappé aux embarras de son commandement, il se mécomptait ; de nouvelles difficultés l’assaillaient de toute part. Au mois d’août 1830, Bône avait été occupé pendant trois semaines par une brigade française sous les ordres du général de Damrémont. Après le rappel de cette troupe, les habitans avaient eu fort à faire pour se défendre d’abord contre les montagnards du voisinage qui ne leur pardonnaient pas d’avoir fait bon accueil aux Français, puis contre le bey de Constantine, Ahmed, dont l’ambition despotique ne s’accommodait pas de la quasi-indépendance de Bône. Depuis le mois de mai suivant, un corps de cinq à six cents réguliers, soutenus par un millier d’Arabes et de Kabyles, bloquait la place ; quoique les communications par mer fussent demeurées libres, les vivres étaient rares. Dans leur détresse, les assiégés décidèrent de demander aide aux Français. Le 10 juillet 1831, le brick Grenadier, qui ramenait de Tunis le commandant Huder, aide-de-camp du général Guilleminot, ambassadeur à Constantinople, s’arrêta par aventure dans la rade, au mouillage ; aussitôt une députation