Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’acheva et de son propre sabre lui trancha la tête. Une cinquantaine de zouaves avaient réussi à gagner la porte de la marine ; aidés des matelots débarqués, ils s’y défendirent pendant une heure ; mais enfin il fallut chercher dans les canots un refuge. Un des derniers, le commandant Huder, déjà blessé de deux coups de feu, se jeta à la nage ; au moment où il atteignait une des embarcations, une dernière balle lui fracassa la tête. La corvette et le brick, pendant ce temps, canonnaient la ville ; tout à coup, tandis que les canots chargés des fugitifs, des blessés et des morts, accostaient les navires, on vit le drapeau parlementaire arboré sur les murs ; quelques hommes s’approchèrent bientôt sur une felouque, assurant que les gens de la ville n’avaient eu aucune part ni à la surprise, ni au combat.

Le 30 septembre et le 1er octobre, arrivèrent les bricks Cygne et Voltigeur, avec deux cent quarante zouaves du 2e bataillon, que le général Berthezène inquiet venait de faire partir. Le commandant Duvivier, leur chef, était d’avis de reprendre immédiatement les hostilités. Le renfort qu’il amenait, joint aux restes du premier détachement et aux effectifs disponibles des quatre navires, donnait une force de cinq cents hommes d’élite avec lesquels il ne doutait pas de rentrer dans la ville et dans la kasba même ; cependant, il ne put pas persuader le commandant de la corvette Créole, qui refusa d’aventurer ses équipages dans une tentative aussi hasardeuse. La présence de cette petite escadre eut du moins pour effet d’engager les habitans de Bône à rendre un officier et une trentaine de zouaves qu’ils avaient faits prisonniers ; tous ceux qui, outre les morts et les blessés, manquaient à l’appel, étaient restés volontairement avec Ibrahim. Le 11 octobre, les quatre navires mouillaient dans la rade d’Alger.

Le général Berthezène était à Moustafa-Pacha ; sans l’arrivée d’un officier d’état-major envoyé par le commandant de la marine pour prendre ses ordres, il allait se coucher sans rien savoir ; les dépêches de Bône, arrivées à sept heures du soir, étaient encore à neuf heures toutes cachetées sur sa table ; il n’avait pas songé à les ouvrir.


VI

Les affaires d’Oran le laissaient plus indifférent encore. Il est vrai que, de ce côté, on paraissait en disposition de se passer de lui. Les transactions du général Clauzel avec le bey de Tunis n’avaient pas encore été désavouées officiellement, lorsque Khereddine-Agha, khalifa du prince tunisien Ahmed, bey d’Oran, d’après la dernière convention, était venu prendre possession du beylik. Dès son arrivée, le général de Damrémont était parti, déléguant ses