Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville tremblaient devant lui, et même au dehors les tribus voisines ne prononçaient son nom qu’avec terreur.

Son premier soin fut de reconnaître la place et les environs. Le fort de Mers-el-Kébir avait été complètement réparé ; une garnison de deux compagnies y était suffisante. Des ouvrages d’Oran, spécimen remarquable de l’ancienne fortification espagnole, les uns, comme Santa-Cruz, Saint-Philippe et la vieille Kasba, étaient à demi ruinés, les autres, au contraire, comme la Moune, Saint-André, la nouvelle kasba, et sur le chemin de Mers-el-Kébir, Saint-Grégoire, étaient dans un excellent état de conservation. C’étaient, sans compter le mur d’enceinte, beaucoup de points à garder pour un régiment qui, les deux compagnies de Mers-el-Kébir à part, ne comptait pas quatorze cents baïonnettes. A plus forte raison, toute opération à distance était-elle interdite au général ; son action extérieure se limitait à la portée des canons de la place. Aussi essaya-t-il d’agir par influence et de nouer des rapports avec les Turcs et les coulouglis qui étaient restés maîtres du mechouar ou citadelle de Tlemcen et de la kasba de Mostaganem. Ceux du mechouar s’étaient constamment refusés à ouvrir leur porte aux Marocains qui occupaient la ville.

Peu satisfait de son beau-frère Mouley-Ali, qui ne lui avait pas encore assuré la possession pleine et entière de Tlemcen, le sultan de Maroc y avait envoyé un personnage honoré de sa confiance, El-Hameri. Accompagné de Moustafa-ben-Ismaïl et de Mouserli, chefs réputés des Douair et des Sméla, les deux grandes tribus maghzen, dont naguère les Turcs se servaient comme d’auxiliaires dans le beylik, El-Hameri se rendit de Tlemcen à Mascara, levant des impôts, faisant appel aux cavaliers, annonçant l’extermination prochaine des chrétiens, célébrant la puissance irrésistible de son maître. En dépit de ses rodomontades, il ne parvint pas à réunir les douze mille hommes qu’il attendait. Sur ces entrefaites, le général Boyer saisit des lettres que le Marocain voulait faire parvenir en secret aux Maures d’Oran ; deux de ceux-ci, deux marchands, deux notables, Mohammed Balenciano et Abdel-Salem furent arrêtés le 1er octobre. D’abord il n’avait été question que de les déporter, mais deux jours après, le général, voulant prévenir par la terreur toute nouvelle intelligence avec l’ennemi, fit, de sa seule autorité, comme un vrai pacha turc, trancher la tête aux deux marchands et confisquer leurs biens. Quelques jours après, une barque moresque fut saisie dans la baie de Mers-el-Kébir vendant de la poudre aux Arabes ; le lendemain les quatre hommes qui la montaient furent pendus en même temps qu’un autre accusé d’espionnage. Le général Boyer n’était cependant pas d’un naturel violent ni