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A côté de l’Allier, le département de la Nièvre n’a gagné que 64 pour 100, sans doute parce qu’il avait déjà commencé, avant 1851, à créer ses herbages et que le prix des terres y était déjà plus élevé. Mais il a continué à prospérer.

Dans le Cher, la valeur moyenne de l’hectare a passé de 733 fr. à 1,266 francs. Tout le Berry a participé à cette augmentation de richesse ; dans l’Indre et l’Indre-et-Loire, les chemins de fer ont non-seulement augmenté la valeur des produits, mais ils fournissent les moyens de production ; ils amènent, comme en Sologne, les amendemens calcaires dont le sol a besoin.

Il en a été de même dans l’Anjou et dans la Mayenne. Dans le département de Maine-et-Loire, la production du blé a augmenté de 50.000 hectares et le rendement s’est élevé de 12 hectolitres à une moyenne de 17. La quantité de bétail a presque doublé et sa valeur s’est accrue de 30 millions. L’ancienne race mancelle a été croisée avec le Durham et est devenue une de nos meilleures races de boucherie. Dans tous ces départemens, la plus-value des terres acquise depuis 1851 dépasse 70 pour 100.

En Vendée et en Bretagne, elle varie de 50 à 75 pour 100. « La terre de granit recouverte de chênes, » que chantait Brizeux se couvre maintenant d’herbages et de troupeaux, sous l’influence des chemins de fer, qui y répandent la tangue et le maërl déposés par la mer sur ses côtes, ou les phosphates minéraux dont un Breton, M. de Molon, a indiqué les gisemens dans les Ardennes, etc. Il y a quarante ans, la Bretagne était encore isolée au milieu du mouvement économique de notre siècle ; aujourd’hui les bateaux à vapeur lui ouvrent le marché de Londres et les chemins de fer celui de Paris. Encore dix ou vingt ans, la valeur de ses terres aura doublé.

Le célèbre géologue Élie de Beaumont appelait le plateau central le pôle répulsif de la France, parce que, incapable de nourrir ses habitans, il les forçait à émigrer pour chercher à gagner leur vie au loin et surtout dans les grandes villes, qui étaient déjà alors et qui deviennent de plus en plus les pôles qui attirent les populations. Là également, les chemins de fer ont rapproché les deux pôles. Là également, ils amènent aux terrains granitiques du Limousin la chaux qui permet d’y introduire le trèfle et de remplacer le seigle par le froment. « Dans la Haute-Vienne, dit M. Barral dans un rapport sur l’agriculture de ce département[1], dernier ouvrage de ce savant agronome, on a créé depuis quarante ans plus de

  1. L’Agriculture, les Prairies et les Irrigations de la Haute-Vienne, par Barral (Rapports adressés à M. le ministre de l’agriculture. Imprimerie nationale, 1881).