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améliorations agricoles qu’ils ont permis d’accomplir dans les déparle-mens éloignés des centres de consommation. Pour se faire une idée complète de leur influence, il faudrait ajouter à ce revenu celui des propriétés bâties, qui a augmenté d’environ 600 millions, et celui des industries de toute sorte, houillères, usines métallurgiques, etc., qui en ont largement profité.

Après avoir été interrompue, par la guerre.de 1870-1871, la prospérité industrielle se développa avec une intensité d’autant plus grande que la consommation l’avait dépassée et qu’il y avait beaucoup de vides à combler dans les approvisionnemens. Pendant quelques années, les bénéfices furent encore considérables et, plus que jamais, on s’organisa comme si ces bénéfices devaient toujours durer. Les anciennes fabriques s’agrandirent, et, de tous côtés, on en bâtit de nouvelles. Il en fut de même en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, dans l’est des États-Unis américains. L’Europe ne suffisait plus à l’abondance de ses capitaux ; ils débordèrent sur les pays nouveaux, établissant des chemins de fer, perçant des isthmes, : perfectionnant les moyens de transports maritimes, créant des usines de toute sorte, développant dans l’ouest de l’Amérique la production du blé, en Australie celle de la laine, en Algérie, en Italie et en Espagne celle du vin, en Autriche celle du sucre, et fournissant ainsi des moyens d’extension à la concurrence de ces contrées lointaines où la terre et tous les produits spontanés de la nature n’avaient presque pas de valeur. L’abondance des capitaux et la confiance des actionnaires semblaient inépuisables. Les sociétés financières trouvaient moyen de les multiplier en spéculant sur les mirages de l’inconnu. Les actions montaient de plus en plus et l’exagération du crédit était arrivée à son point extrême de tension, comme l’électricité de l’atmosphère à la fin d’une longue série de beaux jours, lorsque tout à coup une étincelle vint la déchirer et le krach se produisit. Cette crise financière et industrielle pèse encore sur le marché de nos produits agricoles en diminuant ou du moins en arrêtant l’accroissement de la consommation de certaines denrées, et, réciproquement, elle se prolonge par suite de la crise qui appauvrit nos cultivateurs. Peut-être même la gêne des fermiers et des propriétaires est-elle aggravée, parce que les pertes qu’ils ont faites sur leurs placemens mobiliers s’ajoutent à celles qui proviennent de la diminution du revenu de la terre. Mais la crise financière n’a fait disparaître qu’une faible partie des capitaux formés pendant.la période de prospérité générale qui l’avait précédée, et ces capitaux ont eu non-seulement dans l’agriculture, mais dans l’industrie et dans tout notre état social une influence qui est considérable et sur laquelle nous allons insister, parce qu’elle est une des causes principales de la crise agricole : ils ont amené la hausse des salaires.