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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/572

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m’accuser de prêcher pour ma paroisse, je suis heureux de pouvoir invoquer ici l’appui d’un des membres les plus éminens de l’Université, M. Gréard, recteur de l’académie de Paris. « L’unité absolue du type classique, dit-il dans un remarquable mémoire sur la question des programmes dans l’enseignement secondaire, ne répond plus au développement du savoir et des idées. La diversité s’impose aujourd’hui à notre éducation, si l’on veut éviter qu’à force de vouloir tout étreindre, elle arrive à n’embrasser plus rien. C’est en tous sens qu’il faut solliciter l’activité des intelligences. Tel est le travail qui s’accomplit autour de nous chez les peuples les mieux armés pour les luttes de la vie internationale. » Et, après avoir montré comment l’Allemagne et l’Angleterre cherchent à développer l’éducation commerciale, industrielle et agricole, il rappelle ces paroles de lord Reay : « L’idée que l’agriculteur peut se passer d’une éducation propre est aussi déraisonnable que serait celle de confier le cuirassé de Sa Majesté l’Inflexible, un laboratoire flottant, non à un officier instruit comme le capitaine Fisher, mais au patron d’un petit bateau de pêche de Yarmouth. » L’Allemagne et l’Autriche n’ont pas de terres plus fertiles que les nôtres, mais les agriculteurs qui y cultivent la betterave, et les ingénieurs qui dirigent les fabriques de sucre sont formés dans des écoles spéciales, où ils ont appris à faire des betteraves dont ils tirent 11 pour 100 de sucre, tandis que nous n’en obtenons que la moitié. Leurs grandes fermes et leurs usines sont aussi de véritables laboratoires, tandis que beaucoup de nos fermiers sont trop ignorans pour employer les engrais chimiques et faire ainsi des betteraves aussi riches que celles de nos concurrens. Les Bonanza farms du Dakota n’ont pas seulement à leur disposition d’immenses étendues de terres vierges qui ne leur coûtent presque rien ; elles ont des bataillons de mécaniciens et des machines, et leur organisation peut être comparée à celle des colossales manufactures qui filent et tissent le coton. Pour lutter contre elles, il faudrait aussi être armé de toutes les ressources de la mécanique. Quand les états de l’est de la Confédération, atteints comme nous par cette redoutable concurrence, ont été obligés de restreindre la culture du blé, ils ont transformé très rapidement leurs champs en pâturages et en vergers. Pour conserver leurs fourrages, ils emploient souvent l’ensilage, méthode qui a été inventée en France, mais que la plupart de nos cultivateurs ne connaissent pas. Pour utiliser ces fourrages, ils viennent acheter nos meilleurs étalons percherons et nos meilleures vaches cotentines, et, pour transformer le lait de ces vaches en beurre et en fromage, ils appliquent des procédés scientifiques qui sont également fondés sur les découvertes de nos savans, mais que l’on utilise partout, excepté chez nous. Cela prouve que, si nous avons toujours les