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justinianéen règne dans tout l’empire. Les rapports de l’église et de l’état, les préséances entre l’évêque de Rome et le patriarche de Constantinople, sont réglés. Bélisaire et Sittas, dont Justinien a eu le mérite de découvrir les qualités militaires alors qu’ils servaient sous ses ordres comme officiers subalternes de la garde de Justin, tiennent tête aux Perses et terminent la guerre qui durait depuis trente ans. D’autres généraux, Germain, Pierre, Cyriaque, soumettent les Tzanes battent les barbares, qui s’étaient avancés en Arménie, et repoussent les Esclavons au-delà du Danube. La grande politique de Justinien, qui consiste à faire des vassaux des peuples dont il ne peut faire des sujets, commence à porter ses résultats. Mondon, capitaine renommé, fils du roi des Gépides et issu de la race d’Attila, fait sa soumission et se met avec ses troupes à la solde de Justinien. Gordas, roi des Huns de la Chersonèse, Gretès, roi des Hérules, entrent dans l’alliance impériale. Sur tçus les points, les vastes frontières de l’empire sont à l’abri des insultes des barbares. Que dit le peuple ? Le peuple acclame le nouvel empereur, qui ; l’année de son avènement, a pris pour la seconde fois le titre de consul et a inauguré son consulat par les courses et les spectacles les plus magnifiques qu’on eût encore vus dans l’Hippodrome.

Ces courses de chars, importées d’Olympie à Rome et de Rome à Constantinople, passionnaient le peuple des grandes villes de l’empire. Cette passion dominait et remplaçait toutes les autres. Les Gréco-Romains du VIe siècle mettaient aux rivalités, aux luttes parfois sanglantes des hippodromes, l’ardeur qui les animait naguère dans les élections et les discussions de l’agora et du forum. Les courses satisfaisaient à la fois les passions politiques, l’amour des spectacles, et la folie du jeu. La population formait quatre associations rivales qui prenaient leur nom de la couleur des tuniques des cochers. Il y avait la faction verte, la faction bleue, la faction rouge, la faction blanche. Chacune avait ses chefs, son trésor, son amphithéâtre particulier, ses chevaux, ses chars et son personnel de cochers, de funambules, de montreurs de bêtes, d’employés de toute sorte ; chacune formait une milice municipale, ayant sa bannière et ses insignes, ses fonctions et ses prérogatives. Au point de vue des rivalités, les quatre factions se réduisaient à deux, car les Rouges faisaient cause commune avec les Verts (ou Prasiniens) et les Blancs avec les Bleus (ou Vénètes). Quelques historiens, M. Paparrigopoulos, M. Zeller, pensent que chacune des deux factions principales représentait tel ou tel principe politique, telle ou telle opinion religieuse. C’est une simple conjecture a quoi l’on pourrait opposer plus d’un fait. Cependant, comme l’empereur, qui avait les mêmes passions que ses sujets, avouait généralement ses sympathies pour l’un ou l’autre parti, il arrivait que les mécontens