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d’immoralité : il y a environ une demi-douzaine de cas de grossesse chez les aliénées à signaler en cinquante ans. Depuis 1880, deux aliénées sont devenues enceintes : l’une par le fait d’un jeune homme de Gheel ; l’autre par le fait d’un pensionnaire libre. Il arrive également que certains malades manifestent leurs passions d’une façon obscène ; dès ce moment, ils sont dirigés, autant que possible, sur un établissement fermé : en attendant, on les interne à l’infirmerie.

Mais il convient de dire qu’en général les membres de la colonie de Gheel sont assez bien choisis pour qu’il ne se rencontre pas parmi eux de malades dangereux pour la moralité publique. Le danger vient d’un tout autre côté. Depuis longtemps, Gheel voit arriver, chaque année, un certain nombre de personnes qui viennent en villégiature pour un temps plus ou moins long. Parmi ces personnes, quelques-unes sont sensées, mais la plupart sont des aliénés. Ceux-ci ne sont aucunement soumis au contrôle de l’administration, qui n’a pas le droit de s’en occuper, sauf le cas de scandale ou de danger imminent ; ils vont et viennent sans être plus surveillés que les personnes sensées. « Quand on connaît le régime de notre asile, dit-il. Peeters, qui accorde aux aliénés une liberté en apparence illimitée, tellement la surveillance se montre peu, tout en s’exerçant partout et constamment, on est tout étonné d’entendre parler de pensionnaires libres. Si cette dénomination ne s’appliquait qu’aux personnes saines d’esprit qui viennent de tous les points du pays respirer l’air pur de la Campine et goûter l’hospitalité des habitans, personne n’aurait le droit de se plaindre ; mais beaucoup de pensionnaires libres sont des personnes aliénées : il en est parmi eux qui sont entièrement dangereux et qui, soustraits à toute surveillance, peuvent non-seulement user, mais abuser de la liberté. »

En effet, M. le docteur Peeters donne quelques exemples qui sont loin d’être encourageans. Tel de ces pensionnaires libres est perverti et ivrogne, tel autre immoral et violent : la plupart auraient besoin d’être surveilles de très près. On voit quel danger ces pensionnaires libres constituent pour les habitans de Gheel et quel tort leurs méfaits peuvent causer à la colonie même. Ce sont en effet ces aliénés libres qui commettent le plus d’actes immoraux. Il convient de ne pas rendre Gheel responsable de ces méfaits : la colonie n’y est pour rien, l’administration n’en peut mais ; le seul moyen de se débarrasser des pensionnaires libres serait une action énergique du conseil communal, qui colloquerait d’office les aliénés les plus dangereux et ferait régulariser la situation de tous. De quelque façon qu’on veuille s’y prendre, il est inadmissible que des aliénés en pleine liberté soient tolérés à Gheel et que la responsabilité