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Voilà, selon lui, les gens qui sèment la tempête, quoiqu’ils maudissent la moisson : — « Quand un ouvrier, disait-il le 20 mars 1884, entend ces messieurs qui sont l’ornement de la science, mais qui, en politique, n’ont jamais rien fait pour leur pays, s’exprimer sur notre compte en termes injurieux et méprisans, comment cet homme inculte pourrait-il croire en nous ? Par leur travail d’opposition, les progressistes ont tué la confiance ; ils sont les pionniers qui ouvrent le chemin à la démocratie sociale par leurs perfides et mensongères déclamations. »

Il ajoutait le 9 mai : « Que le parti de la démocratie sociale puisse arriver à la souveraineté, nous empoisonner la moelle et le sang, je ne le pense pas ; mais j’en crois bien capable le parti progressiste ; son poison est plus puissant que celui du socialisme. » Il avait rappelé à ce propos l’attentat de Ferdinand Blind, lequel essaya, le 7 mai 1866, d’assassiner à Berlin un président du conseil, qui depuis est devenu le chancelier d’un grand empire. Il n’hésita pas à soutenir que cet étudiant était « le vase où avaient été versées toutes les théories du libéralisme d’alors. » — « M. Richter, s’écria-t-il, peut croire qu’il ne tiendrait qu’à moi de fouiller plus profondément dans la pourriture de cette tombe et de lui montrer des choses qui le toucheraient de plus près encore. » Selon toute apparence, si M. de Bismarck fouille quelque jour dans la pourriture du tombeau de Reinsdorf, c’est encore M. Richter qu’il y trouvera.

Que doit-on conclure de là ? C’est que la loi contre l’agitation socialiste ne suffit point, qu’il faut en promulguer une autre contre l’agitation libérale, contraindre les progressistes à ne rien publier et à ne se réunir jamais, les livrer au bon plaisir de la police, faire peser sur leur tête l’éternelle menace d’un arrêt d’expulsion. M. de Bismarck n’aura garde de proposer cette loi. L’omnipotence elle-même a ses impuissances, et il est des choses que l’homme d’état le plus fort, le plus audacieux, n’ose pas même rêver de faire.


G. VALBERT.