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IV

Quelque soin que puissent prendre les galères pour éviter de se trouver de nuit à la mer, le temps ne leur permettra pas toujours d’atteindre un port suffisamment sûr avant le coucher du soleil. Le ciel s’obscurcit, le vent force, le général a jeté plus d’une fois un regard tout chargé d’inquiétude à l’horizon. Il se décide enfin à faire amener les antennes, puis se tournant vers le pilote réal : « Pilote réal, dit-il, faites le signal de la boufette ! » À ce signal, chaque capitaine s’empresse de faire tirer la boufette d’en bas, de la prolonger sur la coursie et de la férir sans attendre d’autres ordres. Dès que la boufette est férié à bord de la galère réale, le comité réal fisque pour avertir la chiourme, puis commande aussitôt : Hisse tout d’un temps ! La boufette établie, ou s’occupe de férir et d’injonguer, — de lier avec des joncs, — le trinquenin. Les commandemens se suivent et se pressent : Hisse le trinquet ! d’abord, puis, dès que l’antenne est à poste : Casse trinquet tout d’un temps !

Sous la boufette et le trinquenin, la galère nous représente un vaisseau naviguant avec deux ris aux huniers : on n’ira pas bien loin sous cette allure, le vent se hale toujours de plus en plus de l’avant et il devient difficile de gouverner en route. Il faut se résoudre à se défaire de la voile de proue et redresser la galère que le trinquenin faisait trop abattre, à l’aide de la boufette et des rames ; Amène et plie le trinquenin. Aussitôt que le trinquenin est amené et plié, on hisse l’antenne de trinquet au tiers de l’arbre et on mole d’avant, — c’est-à-dire on mollit le palan d’amure, — pour tenir la penne basse.

Malgré la boufette et les rames, la galère continue d’abattre du côté de la terre ; la chiourme est sur les dents. Il n’y a plus qu’un parti à prendre : il faut céder au vent et courir fortune, — ce que nous appelons à bord de nos vaisseaux : faire vent arrière. Il est heureusement plus d’un port sur la côte : pour en rencontrer un qui nous soit accessible, il suffira de revenir sur nos pas ; seulement, hâtons-nous.

« Pilote réal, nous allons pouger avec le tréou ! Notre homme, avertissez pour amener la mestre ! »

Le pilote réal fait sur-le-champ le signal du tréou ; le réal fisque et commande : Amène la mestre tout d’un temps ! Chaque capitaine a déjà son tréou préparé et lié d’avance sous l’antenne de mestre. On hisse la vergue de tréou à l’arbre de mestre, on borde la voile et on court vent arrière. Trop de temps, par malheur, a été perdu, le port de refuge est éloigné, la nuit vient ; il faut se