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galères avec cinq vaisseaux assaillir cinq navires d’Espagne armés de quarante canons chacun. Pour se mieux défendre, ces cinq navires s’étaient échoués sous le canon de Rosas : le jour même, les galères les remorquèrent en triomphe à Cadaquez. L’artillerie des forts de Port-Vendres et la mousqueterie des troupes espagnoles ne protégèrent pas mieux une polacre et deux galères d’Espagne que l’archevêque fit attaquer, dès le lendemain, par la Cardinale et par la capitane. Le 13 avril de cette même année 1641, le fort des Alfaques se rendait, après trois heures de combat, aux galères de France. Et devant Barcelone, le 29 juin, le 1er juillet 1642, n’est-ce pas à ses galères que le duc de Brézé dut la gloire de voir fuir deux fois devant lui la flotte des Espagnols ? On ne la revit plus de toute la campagne.

On objecte sans cesse la fragilité des galères, leur peu d’aptitude à tenir la mer. Était-ce un navire fragile cette réale de France qui donna sur la sèche du cap de Gate ? La roche lui emporta quinze ou vingt pieds de quille ; la galère n’eut pourtant aucun membre rompu ; elle arracha, au contraire, un morceau de la roche et navigua trois heures avec sa pierre au flanc, trouvant ainsi moyen de gagner le port. Une autre galère a été battue, pendant plus d’une heure, par les vagues contre des rochers pointus ; les vagues ne sont pas parvenues à la briser. Toute une grande ville a pu voir l’abordage d’une galère qui, entrant au port de Marseille, rompit un pilier de pierres de taille de six toises de diamètre ; elle en renversa vingt grosses pierres, sans éprouver le moindre dommage. Un autre jour, une galère sort du port d’Agay à toute vogue : elle donne si rudement sur une sèche que le coup la fait reculer à plus d’une encablure en arrière. Un autre navire eût coulé sous le choc : la galère fait le lendemain 25 milles à la voile, mestre et trinquet déployés, avec une grosse mer debout, sans qu’il entre une goutte d’eau à bord.

« Je n’ignore pas, dit Barras de La Penne, le bruit qu’a fait, au mois de février 1700, la perte de la capitane de Malte ; cet accident a eu trop d’éclat pour n’être pas arrivé jusqu’à moi. La perte de la capitane fut causée par un abordage : les six autres galères qui l’accompagnaient trouvèrent un refuge à Corfou et à Zante, après avoir couru 400 milles environ vent en poupe. Si, depuis trente ou quarante ans, les Espagnols ont perdu plus de cinquante galères ; si, en 1693, vers la fin de novembre, il s’en fallut de peu que toute leur flotte périt, est-ce aux navires ou aux capitaines qu’on doit s’en prendre ? Feu M. le maréchal de Vivonne a souvent tenu la mer avec les galères du roi, quatorze et quinze jours de suite ; M. le Bailly de Noailles, en plus d’une occasion, n’a pas craint d’imiter