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d’Aventures et Anecdotes, en ont été tirées pour figurer dans les Œuvres choisies de Prévost, et, ensuite, de quelques traductions de l’anglais : des fragmens de Shakspeare, une tragédie de Dryden, une comédie de Steele, quelques opuscules de Swift : la Prédiction d’Isaac Bickerstaff, ou l’Art de ramper en poésie. Quelques jugemens critiques sur les ouvrages alors récens de Le Sage, de Mme de Tencin, de Marivaux, de Crébillon fils, intéressans à relever, ne sont pas tous d’un goût aussi parfait ni surtout aussi bienveillans que l’a dit Sainte-Beuve. Il est vrai que si Marianne y est traitée plus que sévèrement, Manon Lescaut, en revanche, y est louée moins modestement qu’on ne l’attendait de son auteur.

Bien que le journaliste fût toujours hors de France, le journal cependant, ce sous l’inspection de deux ou trois censeurs, » selon l’usage, s’imprimait à Paris chez Didot. Son Cléveland, pareillement, dès 1732, s’était imprimé, ou commencé d’imprimer à Paris. Lui-même enfin, de temps en temps, obtenait la permission de reparaître quelques jours à Paris. Si Prévost commençait à se lasser de son exil, on était donc tout prêt à en adoucir la rigueur. Quels protecteurs s’entremirent pour lui ? On a nommé le cardinal de Bissy, successeur médiocre de Bossuet sur le siège de Meaux, abbé commendataire de Saint-Germain-des-Prés, et le prince de Conti, Louis François de Bourbon, le futur protecteur de Rousseau, de Beaumarchais, de tant d’autres, à peine alors âgé de dix-sept ans. Le précepteur du prince, Jacques Adam.de l’Académie française, — il faut le savoir pour le croire, — avait été l’un des collaborateurs de Prévost dans l’entreprise d’une traduction de l’Histoire universelle de de Thou. Grâce au cardinal et grâce au prince, Prévost fut admis à rentier définitivement en France sous la seule condition d’une retraite préalable dans une abbaye désignée. Une lettre de lui, datée du 10 septembre 1735, nous apprend qu’il y fit joyeusement pénitence « en belle et bonne compagnie de l’un et l’autre sexe, » et trouvant, comme il dit, « la voiture fort douce, qui le menait dans le chemin du ciel. » L’expiation se prolongea jusque vers la fin de décembre au moins de la même année. Quand enfin il en sortit, ce fut pour devenir aumônier du prince de Conti.

C’était sans doute une sinécure, aussi la payait-on comme telle. Dans la maison de Conti, s’il en faut croire d’Argenson, avec six ou sept cent mille livres de rente, il était ordinaire de manquer de « pain » et de « bois. » Le labeur acharné recommence pour Prévost. Tout en continuant la publication de son journal, il achève son Cléveland, il prépare son Doyen de Killerine, dont les premiers volumes paraissent en 1736, il entreprend une histoire généalogique de la maison