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à celles de la chambre des lords, avait, en mainte circonstance, fait échec au gouvernement et repoussé certaines mesures populaires. On reprochait encore à ses membres de ne pas assister régulièrement aux séances, on s’imaginait qu’ils auraient plus de poids s’ils recevaient du peuple leur investiture. La chambre vota une adresse à la reine en la priant de recommander au parlement impérial la substitution du principe électif à celui de la nomination par la couronne. Déjà, sous l’influence de l’école économique qui estime qu’on doit ne conserver les colonies qu’autant qu’elles paient et ne voir en elles que des débouchés, des sources de revenus, l’Angleterre commençait à adopter le système du fara da se, leur reconnaissant une indépendance à peu près entière pour le règlement de leurs affaires intérieures, disposée à les laisser se gouverner pourvu qu’elles se défendissent elles-mêmes. Aussi le parlement impérial se contenta-t-il de rappeler les clauses de l’acte d’union qui instituaient le conseil législatif et d’autoriser le parlement canadien à opérer la modification réclamée. On conserva aux anciens conseillers leurs sièges leur vie durant, mais on leur adjoignit quarante-huit membres élus pour huit ans : tout membre de la chambre haute devait posséder dans son collège électoral des biens fonciers d’une valeur de 2,000 louis. Il en est un peu de certaines réformes comme de ces pèlerinages à La Mecque qu’exécutent de pieux musulmans en faisant quatre pas en avant, trois pas en arrière : après avoir beaucoup récriminé contre l’ancienne organisation, on s’aperçut que la nouvelle valait peut-être moins encore ; il y eut parfois grève des électeurs et grève des candidats ; les choix laissèrent à désirer, tous ceux qui se sentaient quelque ambition cherchant à entrer à la chambre basse, où se faisaient et se défaisaient les ministères. De 1856 jusqu’à l’établissement de la confédération, le conseil législatif fut une vertu, il ne fut pas un pouvoir, et les Canadiens, qui ne se piquent point d’entêtement contre les faits, n’hésitèrent pas en 1867 à revenir au système de 1840.

De 1854 à 1862, le progrès matériel et intellectuel marche du même pas que le progrès politique. Fondée sous les auspices de l’épiscopat catholique, pourvue de quatre facultés, l’université Laval va contribuer grandement à développer l’éducation et la littérature françaises. Les travaux publics, les canaux, la colonisation intérieure reçoivent une impulsion vigoureuse ; on inaugure le chemin de fer du Grand-Tronc qui traverse le pays sur une longueur de plus de 2,000 kilomètres ; le prince de Galles passe l’Océan et assiste à l’inauguration du pont Victoria, qui, jeté sur le Saint-Laurent, en face de Montréal, ne mesure pas moins de 3 kilomètres : cette visite princière est suivie de plusieurs autres, celles du prince Alfred, deuxième fils de la reine Victoria, du prince de Joinville