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défenseurs du peuple franco-canadien ; la réparation était complète.

C’est encore au ministère conservateur, présidé par MM. Cartier et Mac-Donald, les deux frères siamois, comme on les a surnommés, que revient l’initiative du travail de refonte et de codification des lois civiles du Bas-Canada : en plein XIXe siècle, cette province vivait encore sous le régime de la coutume de Paris, devenue insuffisante et incertaine sur bien des questions que le temps, cet éternel fabricant de nœuds gordiens, avait fait surgir. Le travail de codification, observait M. Cartier en le présentant à la chambre, a été fait à l’imitation du code français et en marchant sur ses traces ; il n’y a donc aucune crainte de ne pas réussir. Si, ajoutait-il, le Bas-Canada veut grandir, s’il veut conserver son individualité et sa nationalité, rien ne sera plus capable de réaliser ses espérances que l’adoption d’un code civil. Celui-ci fut promulgué le 1er août 1866 et publié dans les deux langues. Tout en prenant pour modèle notre code civil, ses auteurs ne l’ont pas copié servilement, mais ils l’ont adapté au caractère, aux habitudes de leurs concitoyens, et c’est ainsi qu’ils ont maintenu, consacré la liberté absolue de tester, qu’un statut provincial de 1805 avait déjà instituée ; c’est ainsi qu’ils abandonnent à chaque confession religieuse la tenue des actes de l’état civil, tout ce qui regarde la célébration du mariage et l’appréciation de sa validité.

Il n’y a pas plus de génération spontanée en politique qu’en histoire naturelle ; les questions appellent les questions, et la philosophie de l’histoire les montre jaillissant les unes après les autres d’une source mystérieuse, obéissant à une sorte d’atavisme et produisant souvent les effets les plus inattendus, comme il arrive dans l’ordre physiologique pour les générations humaines. Si le principe de la responsabilité ministérielle a conduit les Canadiens au système de la double majorité, l’agitation pour la représentation, fixée d’après le chiure de la population, va faire surgir l’idée d’une confédération. Tant que les Haut-Canadiens se virent moins nombreux que les Bas-Canadiens, ils se gardèrent bien de protester contre cette clause de l’acte d’union qui leur accordait un chiffre égal de représentans ; mais, dès 1856, les choses ont changé de face : grâce à l’émigration anglaise que favorisait la métropole, la proportion se trouve renversée. Toujours prompts à changer leur fusil d’épaule, enclins à décorer leur esprit de domination du masque d’un principe, les Haut-Canadiens s’emparèrent de la théorie si imprudemment mise en avant par M. Papineau. N’était-elle pas juste en elle-même ? Était-il sage de laisser deux peuples vivre sur un pied d’antagonisme ? Ne devait-on pas craindre qu’un refus