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une dénivellation de 0m, 20 par kilomètre pour un débit de 25 mètres cubes, la déperdition de force motrice sera réduite à 60 chevaux par kilomètre. Dans l’hypothèse d’un canal de grande navigation, pour un débit six fois plus fort de 120 mètres cubes, la vitesse étant réduite à 0m, 28, la dénivellation ne serait plus que de 0m,005 et la perte de force motrice usée en frottement, de 8 chevaux à peine par kilomètre.

Dans le projet Dumont, que je prendrai pour type des canaux d’irrigation, il fallait dériver le Rhône aux roches de Condrieux à une altitude de 120 mètres, pour amener péniblement les eaux à une hauteur de 40 mètres sous les murs de Béziers, après avoir perdu en route, dans un parcours de 350 kilomètres, les deux tiers de la force motrice disponible à l’origine, qui, au point de vue industriel et même agricole, n’a pas moins de valeur que l’eau elle-même. Pour atteindre Béziers à la même hauteur de 40 mètres par le canal à grande section, il suffirait de prendre l’eau du Rhône a une altitude de 42 mètres pour un parcours égal de 350 kilomètres. En fait, si le point d’arrivée devait rester le même, la longueur de dérivation serait bien moindre, puisqu’il suffirait, dans ce cas, d’établir la prise d’eau près du Pont-Saint-Esprit au lieu de la remonter à Condrieux.

Cette possibilité d’abaisser le niveau de la prise et, par suite, de diminuer la longueur de la dérivation pour atteindre un point et une hauteur donnés, ne serait pas l’unique avantage du canal à grande section. Dans le système des canaux de simple irrigation, soumis à toutes les exigences d’un tracé en ligne de pente, force nous est d’accepter toutes les difficultés de terrain qui se présentent et de les surmonter à grands frais. Avec les canaux à grande section, on peut, au contraire, abaisser progressivement le niveau des retenues et distribuer les écluses de telle sorte que les biefs intermédiaires du canal épousent plus également le relief moyen du sol. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le canal en ligne de pente partant de Condrieux, sur quelque rive qu’il soit placé, devrait forcément, à la hauteur du confluent de l’Ardèche, franchir cette rivière ou le Rhône lui-même par un aqueduc ou un siphon de 55 mètres de haut qui constituait une des principales difficultés du projet Dumont. Avec le canal de grande navigation, cette hauteur pourra être réduite à une vingtaine de mètres, élévation qui parait nécessaire pour permettre le facile écoulement des deux grandes voies d’eau qui devront être superposées en ce point.