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Ce n’est point nos enfans, c’est nous qui devrons la résoudre ; sera-ce une fois encore contre nous ? et, si, plutôt que de signer une abdication volontaire, nous nons résolvons à quelque suprême effort pour attester notre virilité, est-il donc bien difficile de comprendre que ce n’est point à l’extrémité, mais au cœur, qu’il faut viser ? que ce n’est point par l’échange de quelques notes diplomatiques concernant la neutralité du canal de Suez, ou la garantie de la dette égyptienne, mais par une prompte occupation du Soudan que nous devrions affirmer en droit et plus encore assurer, en fait, notre prédominance sur ce vaste empire colonial.

Mais ce n’est pas ici le moment d’insister sur une question de si poignante actualité. Au risque de retomber dans le domaine de l’utopie, revenons à un sujet moins triste. Étant admis que l’amélioration des voies de transport doit, jusqu’à nouvel ordre, constituer à elle seule tout notre programme de travaux, ne pouvons-nous tout au moins nous demander si, en restant dans les limites de ce cadre étroit, il n’y aurait peut-être pas mieux à faire que de construire indéfiniment des chemins de fer sans voyageurs et des canaux sans marchandises ? Deux modes de transport nous paraissent lutter d’avantages économiques : sur terre, la voie de fer ; sur mer, le bateau à vapeur, pouvant parfois se faire concurrence, se disputer telle ou telle partie du trafic. Pendant que l’ouverture de l’isthme de Suez abrégeait de plus de moitié la voie des marchandises sur l’Inde et l’extrême Orient, la voie des voyageurs, empruntant de plus en plus la ligne de terre, soudait son point de rattachement, hier à Marseille, aujourd’hui à Brindisi, demain à Salonique, en attendant le jour où une voie ferrée continue unira Londres à l’Indus, bien longtemps peut-être avant qu’une voie trois ou quatre fois plus courte ait rattaché Alger au Niger.

Cette concurrence que nous voyons s’établir entre les deux voies de terre et de mer pour les communications lointaines, ne pourrions-nous pas là réaliser pour des relations plus rapprochées ? Si nous ne pouvons prolonger la voie de fer sur les océans ou la terre nous échappa, ne pourrions-nous pas faire remonter la voie maritime jusque dans le cœur de nos continens rendus accessibles aux navires du plus fort tonnage ? Il ne s’agirait pas encore de réaliser à la surface de notre planète le programme que, au dire de certains astronomes, les habitans de Mars auraient appliqué à la leur, en coupant d’outre en outre ses continens de prétendus canaux rectilignes de plusieurs centaines de kilomètres de largeur, qui ne sont peut-être que des vallées régularisées et fertilisées par des alluvions artificielles. Nos prétentions seront sans doute toujours plus modestes ; mais, en nous bornant à utiliser les ressources hydrauliques que nous offrent les