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des nations par voie d’annexions successives, ne différant les unes des autres que par leur degré d’ancienneté et pour lesquelles le désir de vivre ensemble, ce que l’on appelle le vœu des annexés, n’a pas plus servi de règle à la constitution de l’unité française qu’à la formation de l’unité germanique. De part et d’autre, en Allemagne comme en France, l’unité acquise à travers mille aventures et après beaucoup d’épreuves, repose bien actuellement sur la volonté nationale, une volonté décidée chez les Allemands de défendre les conquêtes faites à tout prix, sans rien céder par de simples considérations morales ou de pure métaphysique.


Par ses origines, la population de l’empire allemand se rattache à la famille des Aryas, établis dans l’Asie centrale, entre la mer Caspienne et l’Hindou-Kouch, dont descendent également les Slaves et les Celtes, les Grecs, les Perses, les Hindous, d’après les découvertes de la philologie comparée. A en croire leurs traditions, les Germains auraient pour père commun un dieu, Tuisto, célébré dans d’anciens chants, en foi de quoi les monnaies impériales et les emblèmes nationaux porteraient encore la devise : Gott mit uns ! Une généalogie, dont la véracité reste à prouver, attribue à Tuisto trois fils : Ingo, Isto et Irmin, devenus la souche des trois branches des Istavones, des Ingavones et des Hermiones, comprenant la première, les Saxons et les Frisons ; la deuxième, les Francs et les Thuringiens ; la troisième, les Alamanns et les Bojuwares. Ce qui paraît mieux démontré, c’est que les peuples aryens ont eu primitivement une langue commune, des croyances et des coutumes semblables. Ils étaient pasteurs, avec un gouvernement patriarcal, fondé sur la famille ou la tribu. Ils connaissaient les métaux et l’agriculture, mais sans beaucoup employer ceux-là, ni pratiquer celle-ci avec suite, L’accroissement de la population les obligea à se disperser, afin de chercher des moyens de subsistance dans des pays plus éloignés, sous l’effet d’une poussée continue exercée par les uns sur les autres. Ce mouvement commença 2,500 ans avant l’ère chrétienne : 2,000 ans avant Jésus, les Grecs avaient déjà atteint le Péloponèse, les Celtes, les côtes de l’Atlantique, tandis que les Germains occupèrent les bords de la Vistule, de l’Elbe et de l’Oder plus de douze siècles plus tard seulement. Déjà, cent vingt ans avant Jésus-Christ, le manque de place pour une population en excès et qui se multipliait rapidement détermina une réémigration des Teutons et des Cimbres du Jutland, de même que, trois à quatre siècles plus tard, les Goths, les Burgondes, les Lombards cherchèrent vers le sud des territoires plus hospitaliers.