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cendance, demeurant les unes à côté des autres, pratiquant le même culte, mais sans chef commun, indépendantes par conséquent et souvent en guerre entre elles. Une fête religieuse, avec des sacrifices auxquels venaient assister, dans les bosquets des Semnones, les délégués des diverses peuplades autonomes, leur donnait occasion de se réunir. Les peuples, ou groupes de peuples, Francs, Saxons, Frisons, Thuringiens et Alamanns, formés pendant et après les migrations, reposent en partie sur la communauté d’origine, en partie sur la fusion de populations étrangères les unes aux autres, mais réunies sous l’effet du voisinage, d’alliances prolongées, d’asservissement et de conquêtes. Inconciliables avec la vie nomade, les agglomérations considérables ont pu se former seulement sous l’influence d’une existence plus sédentaire, après le remplacement par une demeure fixe en pierre de l’habitation mobile dans une maison de bois ou sur un char, à la manière des Tziganes vagabonds de nos jours. Pendant longtemps l’ancien droit germanique a considéré la maison comme un bien meuble, suivant la définition : Das Haus ist Fahrhabe, parce que, dans l’origine, la maison du Germain était facile à transporter, à détruire et à reconstruire. De là le principe : Was die Fackel verzehrt ist Fahrhabe, c’est-à-dire, tout ce qui brûle peut-être transporté et reste meuble, réminiscence des habitudes de déplacement, au contraire du droit romain, dans l’idée duquel la maison est un immeuble, objet ordinairement construit en pierres, malaisé à déplacer, tenant au sol et y retenant ses habitans, fixant les fils là où ont vécu leurs pères.

L’adoption des maisons en pierres et la construction des villes marque le passage du régime nomade à la vie sédentaire, avec un adoucissement des mœurs et une civilisation plus avancée. En même temps, des associations politiques plus considérables se formaient par l’absorption des petites peuplades, des hordes primitives naguères distinctes, dont les auteurs grecs et latins ne mentionnent plus les noms à partir du Ⅲe siècle. A mesure de ces changemens, les groupes agrandis gagnaient en puissance, et le commandement se concentrait en un plus petit nombre de mains, le pouvoir de la confédération se substituant à l’action isolée des tribus, les chefs de clans étant remplacés par des rois électifs d’abord, puis héréditaires. La confédération des Alamanns, qui comptait une douzaine de chefs investis de pouvoir souverains en 357, à la bataille de Strasbourg, n’en avait plus qu’un seul à la bataille de Tolbiac, en 496, lors de la défaite qui aboutit à sa soumission aux Francs. Chez les Francs également, Grégoire de Tours montre le groupe des Ripuaires, comme celui des Saliens, composé d’une quantité de peuplades avec autant de chefs particuliers, sans autre lien de communauté que celui du voisinage, jus-