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par des Français ou des étrangers ; ensuite l’établissement des deux villages européens de Dely-Ibrahim et de Koubba, construits pour abriter quelques centaines d’émigrans allemands et suisses, qui, depuis un an, traînaient leur misère dans les faubourgs d’Alger. Ce second essai de colonisation ne fut pas beaucoup plus encourageant que celui de la Ferme modèle, qui avait été le premier. Pour l’emplacement des deux villages, M. Genty de Bussy avait choisi des terrains séquestrés dont les propriétaires étaient connus ; bien des réclamations s’élevèrent, mais elles ne le troublèrent pas. Il avait, d’ailleurs, en matière de propriété, des idées aussi simples, aussi absolues et aussi sommaires que les procédés turcs du duc de Rovigo en matière de gouvernement. Comme, dans l’ignorance où le domaine était de ce que lui avait laissé le beylik, c’était une difficulté presque inextricable de discerner les biens qui devaient lui appartenir, l’intendant civil aurait volontiers pris un arrêté qui eût attribué à l’état toutes les terres sans exception, sauf aux particuliers à faire valoir leurs droits. A défaut de cette vaste opération, M. Genty de Bussy institua, le 1er mars 1833, une commission chargée de la vérification de tous les titres de propriété ; c’était déjà beaucoup entreprendre, d’autant plus que, pour une tâche aussi considérable, les vérificateurs institués n’étaient pas plus de quatre.

Au moment où, sur la proposition de l’intendant civil, le duc de Rovigo signa de confiance cet arrêté comme beaucoup d’autres, il s’apprêtait à passer en France pour se faire soigner d’une affection cancéreuse dont il souffrait à la gorge. Afin de pourvoir aux incidens qui pourraient se produire pendant son absence, laquelle d’ailleurs, à son estime, ne devait pas être longue, il donna aux troupes une organisation nouvelle. Les généraux d’Alton, de Feuchères, Buchet, de Brossard et de Faudoas étant successivement rentrés en France, la plupart des maréchaux-de-camp étaient nouveaux en Algérie. Le général Danlion continua de commander la place d’Alger avec une petite garnison composée d’un bataillon de vétérans et des compagnies de discipline. Les troupes actives furent réparties de la manière suivante : première brigade, sous le général de Trobriand, les deux bataillons d’infanterie légère d’Afrique, le bataillon de zouaves, le 1er régiment de chasseurs d’Afrique ; 2e brigade, sous le général Avizard, le 10e léger et la légion étrangère ; 3e brigade, sous le général Bro, le 4e et le 67e de ligne.

L’intention du duc de Rovigo était de reprendre en 1833, sur une grande échelle, la récolte des foins que l’insurrection avait empêchée l’année précédente. Il avait tracé sur la carte une courbe qui, partant, à gauche, du fort de l’Eau, au-dessous de la Maison-Carrée,