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qu’en 1834 on apprit qu’il venait de périr à Médéa, assassiné par des agens du bey Ahmed.

Celui-ci, après la tentative infructueuse de son ancien rival, aurait voulu reprendre les hostilités pour son propre compte ; il convoqua, non loin de Bône, sur les bords du lac Fezzara, les grands des tribus ; mais la plupart d’entre elles lui refusèrent leur concours, à commencer par les Beni-Yakoub ; la générosité du général Duzer à leur endroit n’avait donc pas été stérile. Quelques-unes, tout à fait gagnées par la confiance, les Merdès, une partie des Khareza, les Beni-Ourdjine, se rapprochèrent de Bône et entrèrent même indirectement au service de la France en lui fournissant, sous le nom d’otages, une troupe de spahis auxiliaires. Il n’y avait eu jusque-là de cavalerie que les Turcs montés du corps de Jusuf ; au mois d’octobre, arriva d’Alger un escadron destiné à servir de noyau et de modèle au 3e régiment de chasseurs d’Afrique.

Dans les premiers jours de novembre, une épidémie cruelle, qui avait quelques-uns des caractères du vomito negro, envahit Bône et pendant deux mois y exerça ses ravages. Indigènes et Français, tous étaient également frappés. Les hôpitaux étaient insuffisans ; l’espace, la literie, les médicamens faisaient défaut ; toutes les prévisions étaient dépassées ; un quart des troupes et de la population fut emporté ; à peine restait-il au général Duzer quelques centaines d’hommes en état de servir, et cependant, craignant d’amener au fléau de nouvelles victimes, il pria le ministre de la guerre de suspendre tout envoi de renforts. Quand le mal eut commencé à perdre de sa force, il reçut le 6e bataillon de la légion étrangère ; le 3e régiment de chasseurs d’Afrique avait déjà quatre escadrons, dont deux de lanciers. Plein de zèle et se multipliant pour donner l’exemple à tous, ce vrai chef, infatigable en dépit de son âge, faisait de temps en temps prendre les armes à quelques compagnies, monter à cheval les Turcs de Jusuf, les spahis de Beni-Ourdjine, et se montrait dans la plaine, afin de relever le moral de la garnison et de montrer en même temps aux populations qu’il avait toujours des forces disponibles.

Il eut dans les derniers jours du mois de février 1833 la satisfaction de recueillir le fruit de son système politique. Le ramadan finissait ; pour les commandans d’Alger, c’était toujours un temps d’inquiétude ; pour lui ce fut, comme pour ses administrés, un vrai temps de fête. Des courses de chevaux eurent lieu dans la plaine de la Seybouse pendant trois jours ; le cadi, les notables de la ville et plus de trois mille Arabes des environs y assistèrent. Les marchés étaient abondamment garnis, les bas quartiers de la ville assainis, les masures abattues. Bône, acquise à la France par l’audacieuse