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entre le capitaine de Vaucouleurs, et Jean, seigneur de Toulongeon et de Sennecy, maréchal de Bourgogne. En vertu de cette trêve, il y eut cessation des hostilités entre Robert et Jean depuis le 24 mars 1426 jusqu’au 31 mai suivant, c’est-à-dire pendant neuf semaines environ. Il est vrai que des trêves d’un caractère plus général intervenues entre Charles VII et Philippe, duc de Bourgogne, grâce à l’entremise d’Amédée VIII, duc de Savoie, stipulaient un engagement formel pris par le duc Philippe de s’abstenir de toute attaque contre les places françaises de la Meuse, notamment contre Vaucouleurs, Mouzon, Beaumont-en-Argonne et Passavant ; mais cette clause ne liait nullement le duc de Bedford, et ne l’avait pas empêché de mettre tout en œuvre pour réduire définitivement ces places sous son obéissance. Plusieurs mois se passèrent en escarmouches continuelles entre le petit corps d’armée anglais dont nous avons indiqué la composition et les garnisons de Gondrecourt et de Vaucouleurs. De part et d’autre, le but unique de toutes ces chevauchées, c’était le pillage accompagné d’ordinaire de l’incendie. Pendant cette période, telle était la terreur dont les garnisons anglaises de Montigny et de Nogent avaient frappé les populations, que les laboureurs du Bassigny en étaient réduits à cacher leurs chevaux pendant le jour, et à se relever la nuit pour les faire paître.

Ici se place un petit incident tout à fait local qui ne laisse pas d’offrir un assez vif intérêt au point de vue de l’histoire de Domremy et de la famille d’Arc. Le 7 octobre 1423, ainsi que nous avons eu déjà l’occasion de le dire, les habitans de Greux et de Domremy avaient contracté l’obligation de payer au damoiseau de Commercy deux gros par feu entier et un gros par feu de veuve, pour droit de protection et de sauvegarde. Quatorze notables avaient souscrit cet engagement, tant en leur nom qu’au nom de tous les autres habitans des deux villages, et parmi ces notables on remarque Jacques d’Arc, père de Jeanne, qualifié doyen de Domremy. Le montant de la redevance, payable de ce chef à Robert de Saarbruck, ne s’éleva pas à moins de 220 écus d’or. Quand vint l’échéance du terme fixé pour le paiement, — c’était la fête Saint-Martin d’hiver qui tombe le 11 novembre, — les malheureux villageois ne se trouvèrent pas en mesure de verser la somme convenue ; ils prièrent alors Jean Aubert, de Champougny, et un riche particulier de Montigny-le-Roi, nommé Guyot Poingnant, à qui ils avaient accoutumé de vendre leurs foins et le produit de la coupe de leurs bois, de vouloir bien se porter garans pour eux vis-à-vis de leur onéreux protecteur. Le damoiseau de Commercy était le plus impitoyable des créanciers. Irrité du retard apporté dans le paiement, il fit saisir, piller ou vendre à son profit vingt voitures de foin, quatre-vingts voitures de bois ainsi qu’un certain nombre de chevaux appartenant à Guyot