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conquête ottomane, et appuyé sur la Russie, se montrait souvent disposé à résister au grand-visir. Il désirait aussi affaiblir l’élément hellénique, en qui il voyait l’adversaire irréconciliable et le successeur probable de la puissance musulmane.

La lutte dura quinze années. Les Bulgares y déployèrent une persistance et une habileté diplomatique remarquables ; un moment même, ils se tournèrent vers Rome, qui espéra les voir accepter la situation mixte des grecs unis. Enfin, en 1872, le sultan reconnut par un firman impérial l’autonomie de l’église nationale, sous le nom d’exarchat bulgare. Ce firman soumet à l’autorité religieuse de l’exarque qui réside à Constantinople et obtient son investiture du sultan, toutes les éparchies (évêchés) dont la population est entièrement bulgare. Celles des vilajets d’Andrinople et de Macédoine où, d’après le recensement à faire, les deux tiers des habitans se trouveront être des Bulgares ont le droit de se mettre sous la juridiction de l’exarchat bulgare. Peu de temps avant la dernière guerre, les deux éparchies de Velese (Keupruli) et d’Ochrida se soumirent ainsi à l’exarque bulgare ; mais il reste encore neuf éparchies où domine l’élément bulgare qui réclament en vain d’être réunies à leur église nationale. Aujourd’hui, dans cette question, le gouvernement turc a complètement changé de politique. Il s’est retourné contre les Bulgares et il appuie le Phanar. Récemment il avait nommé deux évêques bulgares pour la Macédoine ; mais il s’est laissé intimider par les violentes attaques de l’église grecque, et, jusqu’à ce jour, il n’a pas accordé l’investiture aux prélats qu’il avait désignés. Le traité de Berlin garantit aux chrétiens de l’empire ottoman la liberté de conscience et celle des cultes ; il donne, par conséquent, aux Bulgares de la Macédoine le droit de se rattacher à l’église de leur choix. Malgré cette disposition récente, et, malgré le firman de 1872, qui renferme un engagement formel de la Porte, on maintient ces malheureux sous le joug des évêques grecs, ligués contre eux avec les Turcs. On ferme les écoles et les églises qu’ils construisent de leurs deniers ; on emprisonne, on exile leurs popes, leurs maîtres d’écoles surtout. Tous les moyens de culture morale et intellectuelle leur sont refusés. N’y aura-t-il donc aucune puissance qui réclamera eu ceci l’exécution du traité de Berlin, qu’on invoque sans cesse pour mettre obstacle à la réalisation des vœux des populations ?

Le clergé bulgare n’a guère d’influence sur le peuple et il s’occupe peu de politique. Il est ignorant, parce que les évêques grecs ne désiraient nullement qu’il s’instruisît. Il vit d’une minime rétribution qu’il reçoit de l’état et de ce qu’il touche pour les services religieux. Les paysans ne se font pas plus qu’en Serbie un devoir