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punir cette bicoque d’avoir osé résister à une armée espagnole. Il livra la ville au pillage, fit pendre en plein jour trois habitans sur les murailles de la citadelle et étrangler de nuit soixante-dix soldats, qui furent jetés à la rivière. Plusieurs villes, effrayées de ces rigueurs, ouvrirent leurs portes sans combat : Diest, Lierre, Nivelle. Don Juan et son neveu prirent en quinze jours Binche, Maubeuge, Reux, Beaumont, Soignies, Barlemont, Chimay et Philippeville. Chimay fut enlevé du force, Philippeville capitula après une courte résistance.

Pendant que don Juan, déjà miné par la maladie, était contraint de demeurer à Namur, Farnèse fit le siège de Limbourg, place importante qui donne un pied dans le Luxembourg. Il se porta devant la ville par une marche de nuit, enleva les faubourgs et ouvrit aussitôt la tranchée. Au bout de peu de jours, la garnison capitula et quand Farnèse entra dans la place, il y trouva tout en si bon état de défense qu’il s’étonna d’avoir rencontré si peu de résistance.

Les états ayant refait leur armée et donné le commandement au comte de Boussu, don Juan alla le chercher dans ses retranchemens entre Malines et Lierre, et, malgré l’avis de Farnèse, il livra bataille le 1er août 1578. Cette fois, don Juan, après un combat long et indécis, dut se mettre en retraite et les états reprirent Arschot, Genappe, Nivelles. Le duc d’Anjou, qui était en Hainaut, s’empara de plusieurs places. Don Juan, irrité du mauvais résultat de la dernière bataille qu’il avait livrée, s’enferma dans son camp de bouges. Il se sentait perdu ; la veille de sa mort, il fit ses adieux au prince de Parme, qu’il aimait comme un frère et lui transféra tous ses pouvoirs civils et militaires. Le fardeau était lourd : le représentant de l’Espagne avait à lutter contre bien des ennemis, contre les peuples irrités, contre l’archiduc Mathias, que les états avaient élu gouverneur, contre le prince d’Orange, qui cherchait à réunir tous les Pays-Bas dans le même faisceau, contre le frère du roi de France qui occupait le Hainaut, contre Casimir, le frère du palatin, établi à Gand avec ses mercenaires allemands. L’état déplorable des affaires aurait fait reculer plus d’un courage ; mais le prince de Parme, impatient de trouver un théâtre digne de lui, aimait passionnément les armes et se sentait propre en même temps aux négociations les plus difficiles. Sa finesse italienne devait se trouver tout de suite à l’aise au milieu de tant d’intérêts divers et de consciences troublées : après un moment d’hésitation, il accepta l’héritage qui lui était offert. Il écrivit dans ce sens au roi, qui confirma le choix fait par don Juan. Les ennemis de l’Espagne n’étaient pas toujours d’accord, et Philippe II avait réussi à fomenter un parti de malcontens ; le sieur de La Motte, qui commandait à Gravelines, avait, peu